Le fossé de Herman Koch

Herman Koch est décidément un auteur qui a l’art de déstabiliser son lecteur et de laisser la porte ouverte à de multiples interprétations.

Ce nouveau roman est un l’égal des précédents un bijou d’humour noir qui retient l’attention jusqu’au bout.

Robert Walter est le maire d’Amsterdam. Un jour, lors d’une soirée où sa femme l’accompagne, le doute envahit l’esprit de Robert. Sylvia aurait un amant, cet adjoint qui vient de la faire rire. Une fois ce doute en lui, il commence à chercher des preuves, à remonter le temps de leur vie de couple. Mais Robert doit aussi faire face à la décision de se suicider de ses parents, à la disparition du chat de la famille, à la gestion de la ville. Petit à petit, le monde de Robert vacille, la paranoïa s’installe progressivement.

« Pour Sylvia et moi, c’est très simple : partout où nous sommes, nous passons de bons moments. Ou que nous trouvions ensemble, nous sommes heureux. Nos intérêts sont plutôt divergents, mais nous continuons d’éprouver toujours et partout un grand intérêt l’un pour l’autre. Je peux rester assez indifférent à la peinture, mais un tableau devant lequel Sylvia s’arrête est toujours plus qu’une simple bataille navale, plus qu’un paysage ou une nature morte de fruits et de lièvre mort. »

Herman Koch manie avec brio l’ironie mordante et le second degré. Encore une fois, il ne se préoccupe pas de rendre ses personnages attachants mais plutôt de créer une atmosphère saisissante qui conduit le lecteur au cœur des pensées de Robert. Finalement, on s’attache moins à savoir si ses doutes sur la fidélité de sa femme sont réels qu’à savoir jusqu’où ce soupçon peut le conduire.

«Depuis combien de temps ? était cette question que j’aurais préféré ne jamais vouloir poser. Cela dure depuis combien de temps ?

C’est un véritable drame psychologique qui se joue à travers des moments de lâcher-prise de la part de Robert qui sont totalement jouissifs pour le lecteur qui suit avec intérêt ce politicien qui n’en est pas moins humain avec ses angoisses, ses doutes, ses faiblesses.

«  Je craignais d’entacher le passé. Je pouvais peut-être à la rigueur supporter que la trahison remette en cause le présent. Je devais déjà vivre avec cette idée. Mais pas le passé, par pitié, pas le passé. »

Un roman fabuleusement irrévérencieux, satirique, volontairement borderline (les sorties de Robert sur les origines étrangères de sa femme sont souvent grinçantes et porteuses de préjugés, au point que je me suis demandée si ce Robert n’était pas, paradoxalement, à la limite d’un certain racisme). Encore une fois Herman Koch met le doigt sur  les travers de la société et appuie là où cela blesse.

Le fossé – Herman Koch (Editions Belfond – mai 2019)

5 commentaires sur “Le fossé de Herman Koch

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