Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes de Lionel Shriver

Serenata Terpsichore a toujours été sportive. Course à pied, vélo, natation, elle s’est donnée sans compter. Jusqu’à ce que son corps lui dise stop et que ses genoux l’empêchent de s’adonner à sa passion. Mais alors que Serenata doit se résoudre à cesser toute activité sportive et même à envisager une opération, Remington, son mari, lui annonce qu’il va courir un marathon ! Un choc pour Serenata car son mari n’a jamais montré de prédisposition pour le sport. Mais contre toute attente, Remington s’accroche se lançant dans un programme d’entraînement intense. Il s’engage même pour un triathlon, coaché par la très sexy Bambi. Plus rien ne compte pour lui que ces compétitions. Pour le couple de sexagénaire, ce changement radical va entraîner bien des bouleversements et leur belle entente entretenue durant toutes ces années va lentement s’étioler. 

Quel plaisir de retrouver la plume et l’ironie mordante de Lionel Shriver ! Prenant prétexte de cette compétition qui s’installe entre les deux membres d’un couple qui vit ensemble depuis de nombreuses années, l’auteure ausculte avec finesse la relation amoureuse et son évolution, le temps qui passe, les habitudes qui s’installent et les rôles que chacun endosse au fil du temps au sein du couple.  

“La plupart des gens détestaient leur corps et, hélas, cette aversion se transformait parfois en bataille à vie, comme un mauvais mariage dans un pays où le divorce est interdit. A cet égard, Serenata avait eu de la chance. Jusqu’à il y a peu, son corps et elle avaient la plupart du temps fait équipe. La relation était agréable, même s’ils se disputaient les rênes du pouvoir.” 

C’est aussi l’occasion pour Lionel Shriver de décortiquer notre époque et ses obsessions : le culte du corps et de la performance, le jeunisme obstiné, les tics de langage et les expressions galvaudées, le politiquement correct… Le tout avec un humour féroce et une grande (im)pertinence.  

Les jeunes générations ne sont pas forcément épargnées avec les portraits des enfants de Serenata et de Remington : une fille fervente catholique et dotée d’une ribambelle d’enfants qui tient ses parents pour responsables de ses problèmes psychologiques et un fils plus ou moins dealer et parfait dilettante.  

Mais à travers cette satire désopilante, on sent aussi toute la finesse psychologique d’un roman qui décrit l’inéluctable vieillissement et l’inévitable fin avec tout ce que cela comporte d’angoisses et de dégâts au sein d’un couple jusque-là heureux et complice.  

Et puis quelle belle trouvaille d’avoir accolé ce nom de Terpsichore (Muse de la Danse) au prénom de Serenata !  

Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes – Lionel Shriver / Traduction de Catherine Gibert (Editions Belfond – août 2021) 

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