
Raphaëlle exerce le métier de garde-forestière au cœur de la forêt du Kamouraska. Pour se sentir moins seule et par sécurité, elle adopte une jeune chienne husky qu’elle nomme Coyote. Un jour, la chienne disparait. Partant à sa recherche, Raphaëlle la découvre prise au piège d’un collet de braconnier. Furieuse, la jeune femme décide de se lancer sur la piste de cet homme et de se venger. Mais elle s’aperçoit très vite qu’elle-même est devenue la proie du chasseur. S’engage alors une véritable course contre la montre entre Raphaëlle et le braconnier dans laquelle la vie est l’enjeu principal.
Ce roman est résolument militant. En mixant habilement les codes du polar avec cette course poursuite engagée entre la garde-forestière et le braconnier, ceux du roman écologique et féministe voire du nature writing, Gabrielle Filteau-Chiba parvient à toucher son lecteur tout au long du récit.
“Venger les coyotes, les lynx, les ours, les martres, les ratons, les visons, les renards, les rats musqués, les pécans ; venger les femmes battues ou violées qui ont trop peur pour sortir au grand jour. Moi, je ne veux pas vivre dans la peur. Et ça ne peut plus durer, ce manège, l’intimidation des victimes. Marco Grondin, c’est comme un prédateur détraqué qui tue pour le plaisir. Ça ne se guérit pas, ça. On n’aura pas la paix tant qu’il sévit, ni nous ni les animaux.”
La dénonciation est souvent virulente mais répond à une violence quasi quotidienne à laquelle sont confrontés la nature, les animaux et les femmes qui vivent à proximité de ce prédateur qui se pense intouchable. On est aussi sensible au personnage d’Anouck (vue dans le précédent roman de l’auteure, Encabanée) qui épouse avec conviction les combats de Raphaëlle et qui a elle-même choisi de s’isoler de l’humanité pour vivre en forêt.
Car Raphaëlle ne lutte pas uniquement contre les braconniers mais aussi contre sa propre institution qui semble, au final, bien plus sensible aux critères économiques et aux actions des lobbies qu’aux critères écologiques. Et on ressent cette terrible injustice, cette impuissance de ceux qui se battent sans être écoutés, ce découragement parfois. Et on comprend ce besoin qu’elle ressent d’agir en dehors de toutes les règles, sur le terrain de ceux qui bafouent la nature en toute impunité.
Bien sûr, les paysages du Canada sont omniprésents, donnant une certaine puissance, un véritable souffle et une belle lumière au récit qui pourrait sinon être très oppressant et sombre. Et puis il y a ces liens tissés entre Raphaëlle et Anouck, entre Raphaëlle et Coyote, entre Raphaëlle et Lionel qui jettent quand même quelques lueurs d’espoir et qui nous disent que l’entraide, l’amour, l’amitié, la compassion peuvent aussi être source de changement.
On pourra reprocher quelques longueurs, notamment sur la fin du roman. Mais l’ensemble se lit avec intérêt et éveille notre conscience.
Sauvagines – Gabrielle Filteau-Chiba (Editions Stock – janvier 2022)
Le côté polar m’attire, alors pourquoi pas.
J’aimeJ’aime