
Elle s’appelle Stella Fortuna. Avec un nom pareil comment imaginer autre chose qu’un destin exceptionnel rempli de succès en tout genre.
Mariastella, très vite surnommée Stella, naît dans les années 1920 dans un petit village de Calabre, en Italie. Sa mère, Assunta, a déjà perdu une première petite fille. Son père, Antonio, est un homme rustre qui à peine revenu de la guerre a décidé de partir en Amérique. Il laisse en Italie sa femme et sa fille. Il en reviendra quelques temps puis partira de nouveau, laissant de nouveau sa femme enceinte. Concettina viendra compléter ce trio de femmes livrées à elles-mêmes alors que leur mari et père vit sa vie ailleurs. Il y aura ensuite deux petits frères puis Antonio finira par les contraindre à immigrer avec lui. Stella se retrouve donc à à peine 20 ans dans un pays dont elle ne parle pas la langue, à vivre avec un père qu’elle déteste. Un père qui, malgré la résistance de Stella finira par l’obliger à se marier, la contraignant à rentrer dans le rang et à subir la loi d’un patriarcat injuste.
Le roman de Juliet Grames est une saga familiale prenante dont le récit tourne autour du personnage principal de Stella. On la suit ainsi de sa naissance à la fin de sa vie ponctuée par plusieurs accidents qui lui font frôler la mort et dont elle réchappe chaque fois comme par miracle. Stella s’est forgée un caractère fort et rebelle au contact de son père. Mais elle qui se veut libre et indépendante devra se rendre face à Antonio qui se chargera de briser sa volonté. Stella finira donc par entrer dans la vie maritale et faire des enfants comme cela est attendu, subissant mari et grossesses et laissant de côté ses rêves.
« Ils quittèrent leurs familles dans l’espoir de les retrouver sous de meilleurs auspices. Ils emportèrent avec eux leur amour pour la nourriture et les jardins ordonnés, leur langue et leurs préjugés, leur mystérieuse trinité divine et leur myriade de saints, leurs rites, leurs chansons et leurs fêtes. Ils emportèrent avec eux leur culte de la mère ; ils emmenèrent leurs mères. Très souvent, ils avaient l’intention de rentrer au pays, ce qui fait de nos ancêtres italiens des exceptions parmi les immigrés qui aspiraient à devenir américains, mais dans bien des cas ils ne rentrèrent jamais au pays, ce qui fait que nous sommes exactement comme les autres. »
Ce livre magnifique est aussi un roman assez désenchanté sur la condition féminine et celle des immigrés italiens dans les années qui entourent la seconde guerre mondiale. Parti faire fortune, Antonio cumulera les petits boulots. Assunta sera toujours nostalgique de sa vie dans les montagnes calabraises. Et Stella portera toujours le poids de ce départ d’Italie, les blessures dues aux difficultés rencontrées pour se faire accepter en Amérique. Ce sont finalement ses enfants et surtout ses petits-enfants qui finiront par s’extraire d’une situation précaire en faisant des études et en s’intégrant finalement à ce pays qui est le seul qu’ils auront connu.
L’histoire de Stella est ainsi racontée par sa petite fille, la narratrice du récit qui remonte le fil de l’histoire de sa famille en traversant deux siècles sur deux continents. C’est un très beau roman sur l’héritage familial, le déracinement, les relations familiales. Un très bel hommage rendu à ces femmes sacrifiées mais aussi aux immigrés qui contribuent à la construction du pays où ils se sont installés.
Les sept ou huit morts de Stella Fortuna – Juliet Grames (Éditions Les Presses de la Cité – octobre 2020)
Il est sur ma wish list 😏 Gérard Collard m’a donné envie de le lire et tu cinfirmes cette envie 😊
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On ne voit pas passer le temps avec cette héroïne, c’est vraiment un roman très réussi
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