
Ce livre m’a plu dès les premières pages et je n’ai plus eu envie de le lâcher. Ce récit magnifique pose de nombreuses questions sur l’héritage, la culpabilité, les relations familiales et amoureuses, la place de l’homme au cœur de la nature, la quête de soi et de sens.
Rachel Clayborne, mariée et mère d’une petite fille, est alertée par son père sur le fait que sa grand-mère Maddy a décidé de léguer sa maison à son aide à domicile, Diane Bishop. Sur un coup de tête et lassée de sa vie de couple, Rachel saisit cette occasion pour partir, emmenant sa fille avec elle. Elle se rend à la Ferme, lieu d’heureux souvenirs d’enfance et de jeunesse mais où elle n’est pas revenue depuis huit ans. Elle y retrouve sa grand-mère qui perd peu à peu la tête, Joe son grand amour perdu et Diane, la mère de Joe.
« Avant le barrage, les proportions fondamentales de l’univers étaient respectées ; son arrière-grand-mère Mary avait grandi parmi ses frères et sœurs, élevée par son père, sa mère, ses tantes et ses oncles, se déplaçant aussi aisément dans le village submergé qu’un aigle à travers les airs : aimée, partout chez elle, ne manquant de rien. Aujourd’hui, Joe passait ses journées à s’occuper de la chose même qui avait détruit le mode de vie de ses arrière-grands-parents. L’ironie de la situation ne lui échappait guère.»
La Crue met en scène trois femmes fortes, Rachel, Maddy et Diane, liées par leur histoire personnelle mais aussi par la relation conflictuelle entre les amérindiens et les « blancs ». Car avant d’appartenir à la famille de Rachel, les Clayborne, ces terres appartenaient à la famille de Diane, de la tribu des Ojibwés.
L’écriture est pleine de poésie, à l’image des paysages où se déroulent les événements.
Au-delà de l’histoire familiale autour d’un héritage, c’est toute l’histoire de la colonisation par les blancs des territoires amérindiens qui est évoquée ainsi que les problématiques écologiques liées à l’expansion de l’activité humaine.
Le récit se noue autour de la Ferme, mais aussi du barrage, voulu par l’arrière-grand-père de Rachel et qui a fait disparaître tout un village lors de sa construction. Il raconte l’histoire de femmes qui luttent pour leur liberté et ce combat fait écho à celui des autochtones qui continuent de vouloir préserver leurs terres ou de les récupérer. Ce livre raconte la difficile cohabitation entre l’homme et la nature, entre les êtres, entre les populations d’origine d’un pays et leurs colons.
« Finalement c’était une question idiote, ce pourquoi – pourquoi elle aimait la Ferme. Elle y tenait, un point c’est tout. Elle faisait partie d’elle. Elle ne pouvait y renoncer. Voilà au moins une chose qu’elle appréciait dans le fait de vieillir : elle savait qui elle était. Elle ne s’inquiétait plus – comme autrefois dans sa jeunesse – de se comporter comme il fallait ni de devenir une personne comme il fallait. Elle en avait assez de devenir. Elle aimait parce qu’elle avait pris l’habitude, toute sa vie durant, d’aimer, et de se dévouer entièrement à ce qu’elle aimait.»
C’est un récit riche et puissant et trois magnifiques portraits de femmes attachantes.
On ne prend jamais le parti de l’une ou l’autre, le point de vue des trois étant parfaitement compréhensible et c’est aussi la force d’Amy Hassinger de réussir à ne pas nous rendre l’une ou l’autre des héroïnes déplaisante ou de ne pas nous faire épouser l’une ou l’autre cause mais de savoir exprimer toute la complexité des relations et des choix à faire.
Et je ne parle même pas de la maquette du livre qui, entre la sublime couverture et la mise en page intérieure, est d’une extrême qualité et fait de ce livre un objet qu’on a plaisir à mettre dans sa bibliothèque !
La Crue – Amy Hassinger (SP Editions Rue de l’Echiquier – avril 2019)
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