
Habituellement je ne lis pas, ou très peu, de nouvelles. Je suis plus friande d’une lecture au long cours que d’un récit de quelques pages même si je reconnais toute la difficulté de ce style narratif.
Mais un livre de Lionel Shriver ne peut pas se refuser, fut-il un livre de nouvelles !
J’ai découvert cette romancière avec le dérangeant et néanmoins passionnant Il faut qu’on parle de Kevin, et ai poursuivi avec assiduité la lecture de ses romans.
Dans ses 12 nouvelles, j’ai retrouvé son style, son mordant, sa passion pour les relations humaines et sa façon de porter un regard affûté sur notre société.
Propriétés privées, ce sont 12 histoires de possession : d’une personne, d’une maison, d’un bien, d’une histoire. Et ce rapport exclusif qu’on développe avec ce qui nous appartient, ou ce qu’on croit nous appartenir.
« Quand l’argent atterrit à la Citibank, Elliot ne se le représenta pas comme une suite de zéros, des liasses de billets ou encore des lingots d’or. Il s’imagina plutôt des lots de timbres verts S & H et des bons de réduction de dix cents pour du Tang, des piles de robes à l’odeur de renfermé, des montagnes de pain de mie blanc de marque distributeur en train de moisir, et des tours chancelantes de papier-toilette – simple épaisseur. »
On y trouve une femme qui, chassée de sa vie par son meilleur ami, s’obstine à vouloir récupérer le cadeau de mariage qu’elle lui a offert. Un couple qui cherche à se débarrasser de son fils trentenaire qui vit toujours à la maison. Un homme qui a détourné l’argent de sa société et part en profiter au soleil. Un couple qui a déclaré la guerre aux ratons laveurs qui nichent près de leur maison. Une américaine vivant à Belfast qui ne se résout pas à abandonner son appartement à une nouvelle locataire. Une femme qui cherche à s’approprier à toute force une maison hantée.
Dramatiques ou drolatiques, ces situations amènent les personnages à remettre en question leur vision des choses ou au contraire à affirmer leur position.
« Elle n’aurait su dire ce qu’il en était pour l’humanité, mais, de toute évidence, dans le règne végétal, sans l’intercession constante d’une puissance supérieure, le mal triomphait. »
En fine psychologue, Lionel Shriver décortique les situations et les sentiments de ses personnages dans lesquels le lecteur pourra parfois voir un miroir. Car tous ses personnages présentent des caractéristiques, ô combien humaines. Petites mesquineries, mensonges, pingrerie, égoïsme et petits arrangements avec la vie et les autres, autant de traits de caractère qui peuvent transformer une vie ou mettre à mal nos relations. C’est à chaque fois jouissif de suivre les personnages, de voir jusqu’où va les conduire leur obsession de la possession. Mais ne sommes-nous pas tous habités par la même frénésie ?
Véritable comédie de mœurs, ce recueil de nouvelles est une observation fine et sans concession de nos travers qui se dévore avec grand intérêt.
Propriétés privées – Lionel Shriver (Editions Belfond – février 2020)
Je suis contente de lire ton avis sur un recueil de nouvelles qui a suscité beaucoup de divergences au niveau des avis. Je n’avais pas encore lu de chronique positive et ton avis vient contrebalancer le tout, du coup. Ce recueil m’attend dans ma PAL, et j’ai un peu peur de l’en sortir, j’avoue. 🙈
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Franchement je n’aime pas tout de Lionel Shriver (par exemple Double faute) mais là j’ai passé un bon moment
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Comme toi, je lis peu de nouvelles. Mais me voilà tentée par celles-ci.
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Franchement je n’ai pas été déçue
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J’aime beaucoup Lionel Shriver. Ce « propriétés privées » m’a séduit lui aussi même si tout comme toi je lis moins de recueils de nouvelles que de romans classiques. Merci pour ce retour. Bon weekend 🙂
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