La ville aux acacias de Mihail Sebastian

Adriana a quinze ans. L’âge de tous les possibles, des espoirs et surtout l’âge où on s’éveille à l’amour. Un amour pas seulement fantasmé mais qui éveille aussi les sens aux plaisirs. Bien sûr, dans cette société bourgeoise roumaine des années 1920, il n’est pas question pour une jeune fille de passer à l’acte mais quelques jeux de séduction, voire un peu plus sont toutefois envisageables. Adriana exercera donc d’abord son pouvoir d’attraction sur un beau cousin en visite chez ses parents avant de tomber amoureuse de Gélou, un jeune étudiant. 

Mihail Sebastian nous emmène au cœur de l’intimité d’une jeune fille qui devient femme au fil de ce récit dans lequel, pour être totalement franche, il ne se passe pas grand-chose. Adriana passe ainsi de sa ville de D… à Bucarest, de son salon au salon de son amie Cecilia, de son piano à des balades en bords d’eau. A peine si quelques drames viennent l’effleurer : la mort d’une des professeures de l’Institution où elle étudiait (probablement un suicide, probablement une histoire d’amour malheureux avec l’une de ses élèves), la relation conflictuelle puis la séparation du couple formé par le ci-dessus cousin et l’élève mise en cause dans l’affaire de la professeure. Mais si ces événements éveillent quelques questionnements chez Adriana, cela ne va jamais très loin.

On va ainsi de saison en saison, sans jamais vraiment savoir combien de temps s’écoule entre les chapitres. C’est doux et feutré. Les scandales sont étouffés, les passions pour dévorantes qu’elles puissent être s’étiolent lentement, les mariages arrangés s’enchaînent. On ne comprend pas vraiment ce qui fait qu’Adriana est ou non amoureuse de Gélou car on a l’impression qu’elle est capable de changer de sentiments en un battement de cils. Et d’ailleurs je ne m’explique toujours pas son revirement final.

“Elle sortait rarement en ville. Il n’y avait plus personne à rencontrer dans ces rues désertes et l’idée que nulle part, devant aucune vitrine de libraire, la silhouette de Gélou ne pourrait apparaître lui faisait mal. Elle n’avait jamais cru que l’absence d’un être pouvait être plus réelle que sa présence même. Lorsque Gélou était là, il se trouvait en un seul lieu à la fois ; maintenant qu’il n’y était plus, il manquait partout.”

En fait, j’ai eu du mal à m’attacher à cette jeune fille et à m’intéresser à ses agissements dont les motivations me sont restées totalement hermétiques. Il souffle malgré tout comme un petit air de liberté et de modernité à travers les caractères des jeunes gens qui sont ici mis en scène même si on sent encore le poids d’une société corsetée et bien-pensante et on peut saluer le travail d’observateur et d’analyste de Mihail Sebastian qui retranscrit si bien l’intimité d’une jeune fille.

Le plaisir de lecture vient surtout pour moi du style et de la langue auxquels la traduction rend magnifiquement justice et qui donne au texte toute sa puissance d’évocation. Et je comprends que ce livre puisse figurer au rang des classiques de la littérature qui nous content les amours adolescentes.

La ville aux acacias – Mihail Sebastian / Traduit du roumain par Florica Courriol (Editions Mercure de France – octobre 2020)

A lire aussi, la chronique du roman qui m’a permis de découvrir Mihail Sebatian, Eugenia de Lionel Duroy

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5 commentaires sur “La ville aux acacias de Mihail Sebastian

  1. C’est un titre que je ne connaissais pas, c’est toujours sympa de découvrir des auteurs roumains (j’ai d’ailleurs l’impression qu’il y a davantage de traductions en ce moment, c’est une bonne nouvelle).
    Si jamais, par l’intermédiaire de ce livre, tu souhaites participer à notre mois de l’Europe de l’Est, n’hésite pas à le signaler en fin de chronique. Comme tu veux 🙂 (https://etsionbouquinait.com/2021/02/26/le-mois-de-leurope-de-lest-debute-dans-quelques-jours-2/)

    Aimé par 1 personne

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