La femme qui en savait trop de Marie Benedict

Peut-on être une star d’Hollywood, désignée comme la plus belle femme du monde et une inventrice de génie ? Apparemment oui, et c’est ce que démontre le récit que Marie Benedict consacre à Hedy Lamarr.

Lorsque le livre commence nous sommes à Vienne en 1933, et celle qui s’appelle encore Hedy Kiesler brille sur les planches dans le rôle de Sissi. Elle a 19 ans, l’enthousiasme de son âge et tout l’avenir devant elle. Sa route va croiser celle de Friedrich Mandl, un riche marchand d’armes. La cour assidue qu’il lui fait mais aussi les menaces qu’Hedy sent peser sur sa famille d’origine juive vont pousser la jeune fille à accepter de l’épouser. Mais Friedrich se révèle être un homme aussi violent que jaloux, exhibant sa femme comme un trophée mais lui niant toute liberté. Lorsqu’Hedy découvre qu’il a en plus décidé de soutenir le régime nazi, elle prend le parti de le quitter et fuit vers l’Amérique. C’est là qu’elle devient Hedy Lamarr, une star glamour comme les aime Hollywood. Mais Hedy n’est pas qu’une actrice avide de gloire et de reconnaissance. Elle est avant tout une femme préoccupée par l’état du monde, par la guerre et par le sort de ceux qu’elle a dû abandonner en s’enfuyant. Brillante et déterminée, elle va mettre au point avec George Antheil, à la fois musicien et inventeur, un système de codage de transmission. Un système encore aujourd’hui utilisé pour nos téléphones mobiles, les GPS et le Wifi.

C’est à ce destin hors du commun que Marie Benedict s’attaque dans cette biographie romancée qui se lit avec grand intérêt. La plume de l’auteur, vive et précise, nous conduit de l’Autriche à l’Amérique dans un récit à la première personne qui montre tout le cheminement de la pensée de la jeune Hedy de 19 ans jusqu’à la femme accomplie et concernée qu’elle devient au fil du temps et des événements qu’elle traverse.

« Avais-je fini par devenir celle pour qui on me prenait ? Aux yeux de tous, j’étais Hedy Lamarr, c’est-à-dire rien de plus qu’un joli visage. Je n’avais jamais été Hedy Kiesler, inventrice en herbe, tête pensante, curieuse de tout, et juive, aussi. Personne n’avait vu la femme cachée sous tous les masques que j’avais portés à l’écran et dans la vraie vie. »

Le récit montre toute la force de caractère d’une femme qui a le courage de s’arracher à un mari qu’elle a fini par détester pour prendre sa vie en main. Il explore aussi les différentes facettes d’un personnage qui mène une vie à la fois privée et public et qui peut parfois se perdre au milieu des rôles qu’elle endosse que ce soit au cinéma ou pour parvenir à gagner les combats qu’elle mène. Le livre montre une femme entièrement tendue vers un objectif : celui de trouver une solution de codage viable et de faire accepter son projet. Mais il montre aussi tous les écueils auxquels elle se heurte en tant que femme. Constamment ramenée à un rôle de beauté silencieuse par les hommes qu’elle croise, elle lutte pied à pied pour que son apparence et son appartenance au sexe féminin ne soient pas des obstacles à sa liberté et à la reconnaissance de son intelligence.

C’est un récit véritablement passionnant qui m’a appris beaucoup de choses sur cette actrice et sur ses activités. Il est addictif aussi bien par ce qu’il raconte du monde d’Hollywood dans ces années 30-40 que par les aspects historiques qu’il aborde. C’est un jeu de miroir captivant entre un monde de légèreté et de paillettes et un monde réel où la guerre, la mort, la violence gouvernent. Hedy étant le lien entre ces deux mondes, tiraillée entre son rôle de femme fatale faite pour divertir le public et ses sentiments de citoyenne concernée par la souffrance de son pays d’origine et de son peuple.

C’est un très bel hommage à cette femme exceptionnelle et un beau travail de mise en lumière de sa contribution au monde scientifique.

La femme qui en savait trop – Marie Benedict (Éditions Les Presses de la Cité – octobre 2020)

A lire aussi, la chronique de Madame Einstein de la même auteure

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6 commentaires sur “La femme qui en savait trop de Marie Benedict

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