
Alors qu’elle rentre de l’enterrement de son père, Kay fait un amer constat : le décès de son père est un soulagement pour elle qui l’a accompagné alors qu’il était atteint de la maladie d’Alzheimer et elle se refuse à subir la même fin de vie que lui. Nous sommes alors dans les années 1990, Kay a la cinquantaine comme son mari Cyril. Ils ont une vie assez douce à Londres et trois enfants. Kay et Cyril vont alors passer un pacte : se donner la mort lorsqu’ils atteindront tous les deux leurs quatre-vingts ans afin de s’éviter, et d’éviter à leurs enfants, la déchéance du grand âge.
A partir de ce postulat, Lionel Shriver va décliner douze scenarii aux vies de Kay et Cyril, du plus simple au plus futuriste. Autant d’alternatives qui vont présenter différentes façons d’accueillir la vieillesse, de l’accepter ou non, d’honorer le pacte passé trente ans plus tôt ou pas.
Une fois encore Lionel Shriver nous régale avec ce couple qui refuse de vivre la vieillesse comme une fatalité et qui veut maîtriser la fin de sa vie.
L’ensemble des alternatives proposées explore notre rapport à la vieillesse, ausculte les rapports familiaux qui basculent entre les enfants et les parents et pose un regard extrêmement réaliste sur un sujet qui nous concerne tous avec beaucoup de drôlerie et de causticité mais aussi une certaine tendresse.
« Au moins, les vrais animaux peuvent être euthanasiés chez le véto avant que leur état ne se dégrade. Je suis prêt à n’importe quoi pour nous éviter ça. »
Le roman ne pose aucun jugement sur les différents choix qui sont faits par le couple et expose avec un œil acéré la réalité d’une vie arrivée à son terme. Lionel Shriver sait poser les mots justes et dose habilement l’humour noir, les émotions et l’ironie que peuvent faire naître certaines situations. L’auteure fait d’ailleurs preuve ici d’une inventivité débridée avec des issues très variées dont une qui flirte avec la science-fiction en mettant en scène un futur lointain où Cyril et Kay, qui se sont fait cryogénisés, se retrouvent aux prises avec des descendants bien étranges !
Avec ce roman incisif, Lionel Shriver démontre, bien sûr, une fois de plus sa virtuosité littéraire mais surtout sa capacité à s’emparer d’un sujet de société (ici la fin de vie et la possibilité de choisir son issue) pour amener son lecteur à une réflexion personnelle et profonde.
Lionel Shriver creuse ainsi son sillon d’auteure en phase avec son époque, capable d’une analyse lucide et percutante de nos sociétés contemporaines sans se départir d’un humour salutaire.
A prendre ou à laisser – Lionel Shriver | Traduction de Catherine Gilbert (Editions Belfond – janvier 2023)
A lire aussi les chroniques de Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes ; Propriétés privées
Et si en plus il y a de l’humour, je m’empresse de le noter.
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J’espère que tu aimeras !
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