Ce qu’il faut d’air pour voler de Sandrine Roudeix

Il aura suffi d’un retour de vacances où son fils de dix-huit ans lui assène assez violemment qu’il va dormir chez un ami et ne rentre pas avec elle pour que la narratrice plonge dans les souvenirs de ces années partagées avec cet enfant devenu adulte.  

Elle a vingt-six ans lorsqu’elle met au monde son fils, Malo. Il est le fruit d’une belle histoire d’amour qui ne durera malheureusement pas au-delà des deux ans du petit garçon. Il devient alors l’enfant d’un couple divorcé, partagé entre ses parents une semaine sur deux. Au fil des chapitres, Sandrine Roudeix égrène le temps qui passe et qui transforme la relation que la narratrice entretient avec son fils. Car au fil du temps, le petit garçon dépendant de sa mère devient un être doué d’autonomie, se construisant une personnalité, cherchant parfois le conflit et s’élevant contre l’autorité parentale.  

Comment devient-on parent ? Comment se comporter en mère ? Et d’ailleurs que serait un comportement de mère ? Sandrine Roudeix analyse et ausculte la relation d’une mère célibataire et de son fils. L’apprentissage du “métier” de mère au côté d’un être à qui il faut laisser sa liberté tout en fixant un cadre. Tout le paradoxe d’une relation dont l’objectif final est de permettre à un être sorti de soi de prendre son envol et d’apprendre à vivre avec ses propres repères. 

“Pendant que chaque minute écoulée martelait ma poitrine, je m’étais souvenue que le mot parent avait la même étymologie que le mot séparation. Pire. Le mot parent était inclus dans le mot séparation. Tous les deux venaient du latin parer qui signifiait mettre au monde. Avec le préfixe “se” marquant la coupure, la se-paration impliquait la coupure avec ceux qui ont mis au monde. Une injonction originelle inscrite au cœur même de ma fonction, petite piqûre de rappel.” 

Sandrine Roudeix rend parfaitement compte de cette gageure que représente l’éducation d’un enfant. Le laisser faire ses armes et apprendre sans trop s’immiscer, sans imposer, en gardant la bonne distance. Mais aussi poursuivre sa vie personnelle et professionnelle. Apprendre et accepter la séparation, la liberté, voire le rejet. Encaisser les mots qui blessent. Comprendre que l’univers de son enfant n’est pas borné à sa relation avec sa mère mais lui permettre de découvrir, d’expérimenter, de se tromper, d’avoir mal parfois. Et apprendre aussi à grandir de son côté, sans tout sacrifier à sa maternité en acceptant d’être imparfaite et de faire des erreurs mais sans pour autant se faire happer par la culpabilité qui a vite fait de venir vous ronger. Et puis accepter que son enfant devienne autre chose que ce qu’on imaginait, ne soit pas un prolongement de soi mais un être à part avec ses envies.  

C’est un texte fort sur la maternité, sur la puissance des sentiments d’une mère envers son petit mais aussi sur sa propre place au sein d’une famille car avant d’être mère la narratrice est aussi fille et petite-fille. Elle arrive dans cette relation mère-fils avec sa propre histoire, son relationnel avec sa mère, la manière dont elle-même s’est construite.  

On suit ainsi le double cheminement de cette jeune fille de vingt-six ans au côté de son enfant. C’est touchant, souvent grave, plein de questionnements, de remise en question. C’est surtout rempli d’amour, exprimé avec beaucoup de justesse et une grande élégance. Et pas besoin d’être mère soi-même pour ressentir le panel de sentiments décrits ici. Il suffira parfois de se rappeler sa propre enfance et son rapport à sa propre mère.  

Ce qu’il faut d’air pour voler – Sandrine Roudeix (Editions Le Passage – janvier 2021) 

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