Ethan Frome d’Edith Wharton 

Fin du XIXème siècle dans un village rural du Massachusetts, le narrateur est intrigué par un homme taciturne dont le visage est marqué par une balafre et qui semble porter toute la misère du monde sur ses épaules. A la faveur d’une rencontre prolongée pour cause de mauvais temps, le narrateur va se rapprocher de l’homme et découvrir peu à peu l’histoire d’Ethan Frome. Jeune homme pauvre, mariée à une femme austère et hypocondriaque, Ethan a hérité d’une ferme et d’une scierie qui ne lui rapportent rien et ne rêve que de voyage. L’arrivée d’une jeune cousine de sa femme, Mattie, va totalement bouleverser la vie du jeune homme. Passionnément amoureux, il aperçoit l’éventualité d’une autre vie. Mais c’est sans compter les tours cruels du destin.  

Edith Wharton livre ici une sorte de huis-clos magistral et définit les contours d’une relation amoureuse maudite. Emprisonnés par la neige qui recouvre le village, à la merci d’une femme acariâtre toute puissante qui régente leurs vies, Ethan et Mattie se livrent à une danse amoureuse tout en retenue et en non-dits qui les conduira néanmoins vers le pire.  

“Ils s’étaient assis quelques minutes sur le tronc abattu, au bord de l’étang, et elle avait perdu son médaillon doré, et envoyé les jeunes gens à sa recherche ; et c’était Ethan qui l’avait déniché dans la mousse… C’était tout ; mais toute leur relation n’avait été composée que de moments comme celui-là, informulés et fulgurants, où ils semblaient soudain rencontrer le bonheur comme ils auraient surpris un papillon dans les bois en hiver…” 

Est-il encore besoin de souligner les talents d’écrivain d’Edith Wharton ? On est ici en présence d’un récit d’une grande intensité et cela même alors qu’il ne se passe pas énormément de choses. Mais on sent que le drame couve et on est tendu jusqu’au dénouement. Les trois personnages sont forts, extrêmement bien campés dans toute leur complexité et dans l’étrange relation qui les lie les uns aux autres. La noirceur de Zeena, femme froide et manipulatrice, la faiblesse d’Ethan alimentée par sa jeunesse et son inexpérience, la lumière de Mattie qui persiste à briller au milieu de cette morosité sont fabuleusement rendus, se complètent et se combattent pour nous amener vingt-cinq ans après les faits au cœur de la tragédie.  

Pas d’esbroufe dans ce récit assez court. On va à l’essentiel et l’intrigue, condensée, ramassée, nous conduit droit au but, nous laissant ébloui de tant de maîtrise et de justesse. Edith Wharton s’en explique d’ailleurs dans son introduction : “ […] je sentais, en même temps, que le thème de mon récit n’était pas de ceux qui permettent de nombreuses variations. Il fallait le traiter sobrement et sommairement, à la manière même dont la vie s’était toujours présentée à mes protagonistes […]”.  

Ethan Frome ce sont les forces conjuguées d’une destinée vouée au tragique et d’une histoire d’amour qui n’aurait pas due naître sous la plume d’un génie de la littérature.  

Ethan Frome – Edith Wharton / Traduction Julie Wolkenstein (Editions POL – janvier 2019) 

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