L’Enragé de Sorj Chalandon

La colonie pénitentiaire de Belle-Ile en Mer accueille de jeunes garçons, ou plutôt les emprisonne, jugés comme délinquants. Brimades, mauvais traitements, enfermements, punitions à répétition sont le quotidien de ces enfants qui sont âgés de 12 à 20 ans. Un jour d’août 1934, lassés de ces humiliations et de la violence dont ils sont victimes, cinquante-six d’entre eux vont se révolter et s’évader. Mais sur une terre entourée d’eau, où aller ? En quelques heures, la totalité des enfants sera reprise et reconduite entre les murs de l’institution. Il en manque toutefois un à l’appel : Jules Bonneau, dit La Teigne, âgé de vingt ans.

Dans ce récit, on reconnait chez Sorj Chalandon son intérêt journalistique pour les faits historiques mais aussi pour les enfants pour qui la vie n’a pas été tendre.

Il se base ici sur une réalité (la mutinerie des enfants de Belle-Ile) pour mettre en scène un personnage, Jules, qui aurait échappé à la traque. Il y a du Jacques Vingtras, du Brasse-Bouillon ou même du Jacquou Le Croquant dans ce Jules Bonneau. Un enfant malmené par la vie et qui en a conçu une véritable détestation pour la société et les hommes qui la composent. Et qui n’a plus aucune confiance en l’humanité.

Jules a emmagasiné tellement de violence et de haine depuis sa plus tendre enfance et au cours des sept ans durant lesquelles il a été emprisonné dans cette colonie, qu’il lui est difficile de ne pas répondre par la violence et la méfiance même à ceux qui veulent l’aider.

Au-delà du personnage de Jules, Sorj Chalandon met en scène divers personnages et pointe les antagonismes des habitants de l’île. Il y a ceux qui pourchassent les enfants pour une récompense de vingt francs mais il y a aussi ceux qui vont tendre la main comme Ronan le pêcheur et sa femme. Il y a ceux qui maltraitent mais il y aussi ceux qui gardent le secret et qui permettent à Jules de ne pas être repris. Il y a ceux qui n’hésitent pas à exercer le chantage mais il y a aussi ceux qui sont choqués par l’histoire de ces enfants et qui en feront des poèmes pour dénoncer ce qui s’est passé, tel Jacques Prévert que Sorj Chalandon convoque auprès de Jules et qui écrira son poème “Chasse à l’enfant”.

Au récit concernant l’enfer de la colonie pénitentiaire et la cavale de Jules, s’ajoute une trame plus historique. Nous sommes en effet en 1934 et le monde est au seuil d’un drame historique. Et Belle-Ile n’est pas épargnée par les luttes politiques et les confrontations de classes.

On s’attache à ces personnages et surtout à ces enfants qui semblent irrémédiablement condamnés, privés d’amour depuis toujours, dont l’avenir parait compromis, les vies gâchées et auxquels l’auteur rend ici un émouvant hommage. Comme d’habitude chez Sorj Chalandon, tout sonne juste et l’émotion est présente à chaque chapitre.

A lire aussi, les chroniques de Enfant de Salaud et de Le Jour d’avant de Sorj Chalandon

9 commentaires sur “L’Enragé de Sorj Chalandon

  1. Je crains l’emportement lyrique de cet auteur, d’autant que c’est une histoire que je connais bien, de même que cette île. Je pense que je serais trop critique quant à la véracité de l’arrière plan pour apprécier.

    J’aime

Laisser un commentaire