Le bureau d’éclaircissement des destins de Gaëlle Nohant

Française d’origine, Irène s’est installée en Allemagne où elle a trouvé un emploi à l’International Tracing Service, le plus grand centre de documentation concernant les persécutions nazies. Irène et totalement investie dans sa mission – et comment ne pas l’être ? – au grand regret de son fils dont elle est séparée du père. C’est à l’automne 2016 que le travail d’Irène va prendre une nouvelle tournure. Elle est chargée de restituer des milliers d’objets qui sont stockés au Centre depuis la libération des camps. Ces objets n’ont pas de valeur marchande mais une forte portée symbolique. Autour d’un pierrot en tissus ou d’un médaillon va se bâtir toute l’histoire de leurs propriétaires et, bien au-delà, de leurs descendants.

Les écrits autour de la seconde guerre mondiale et en particulier des camps d’extermination et de concentration sont évidemment nombreux. Les témoignages de ceux qui ont traversé ces inqualifiables moments sont terriblement bouleversants et auront toujours plus de force qu’un roman.

“Ce sont des objets sans valeur marchande. Les biens monnayables étaient dérobés sans retour. Ce sont les restes méprisés par les assassins, dont la modestie trahit celle de leurs propriétaires. Au moment de partir pour ce long voyage vers l’inconnu. Ils ont emporté du précieux qui ne pèse pas. Leurs papiers d’identité, quelques talismans sentimentaux. Souvenirs d’une vie qu’ils espéraient retrouver intacte après l’arrestation, le cachot, les tortures, le wagon plombé.”

Mais Gaëlle Nohant ouvre ici une porte sur des destins inventés qu’elle sait rendre parfaitement crédibles. Surtout, elle jette des ponts entre ces êtres brisés et ceux qui sont leurs descendants, directs ou non, et ont un lien avec ce passé. C’est ici moins le travail d’enquêtrice d’Irène que son rôle de passeuse d’histoires, d’éclaireuse du passé, qui constitue le socle du roman. Eva, Karl, Lazar, Wita… prennent vie et chair sous la plume de l’auteure.

Il est intéressant de voir ainsi les réactions de chacun à ce qu’Irène leur apporte, qu’ils aient eu connaissance du passé de leurs ascendants ou non. Les plaies sont encore à vif, les deuils pas forcément fait ou incomplètement, des pans entiers ignorés. Et en réveillant tout cela Irène doit aussi s’attendre à ne pas recevoir que de la bienveillance en retour.

Certaines scènes sont magnifiques d’émotion sous la plume de Gaëlle Nohant, comme les retrouvailles d’Agata et de Karl, son frère enlevé pour être élevé par une famille allemande ou encore le témoignage d’Elvire.

J’ai retrouvé avec grand plaisir la plume de Gaëlle Nohant qui, si elle va à l’essentiel des choses, est toujours empreinte d’une grande sensibilité. Encore une fois, l’auteure prouve qu’elle possède un don certain pour dresser des portraits intimes et profonds, que ses personnages soient réels ou fictifs.

Le bureau d’éclaircissement des destins – Gaëlle Nohant (Editions Grasset – janvier 2023)

Lire aussi les chroniques de Légende d’un dormeur éveillé, La femme révélée, La part des flammes.

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7 commentaires sur “Le bureau d’éclaircissement des destins de Gaëlle Nohant

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