Captive de Margaret Atwood

Grace Marks a été condamnée à perpétuité pour les meurtres de son maître et de sa gouvernante. Son complice, lui, a été condamné à mort. Emprisonnée dans un pénitencier canadien depuis ses seize ans, la jeune fille s’est enfermée dans le silence, prétextant avoir perdu la mémoire au sujet de l’épisode du meurtre. Réalité ou simulation ? Deux partis s’affrontent autour de la culpabilité de Grace. Le docteur Simon Jordan sollicite le droit de parler avec la prisonnière, espérant lui faire recouvrer la mémoire et peut-être l’innocenter entièrement.

Margaret Atwood s’inspire d’un fait réel survenu au Canada au XIXème siècle pour construire un récit passionnant autour de la vérité et du mensonge. Grace est-elle une habile manipulatrice qui joue de sa jeunesse et de sa beauté pour abuser ceux qui la soutiennent et le docteur Jordan en particulier ou est-elle victime de James McDermott, l’homme condamné pour les deux meurtres ? A-t-elle réellement tout oublié ou est-elle cette femme séductrice décrite par certains de ses accusateurs ?

« J’ai pour objet de réveiller la partie de son esprit qui demeure en sommeil – de fouiller au-dessous du seuil de sa conscience pour découvrir les souvenirs qui doivent forcément y être enfouis. J’ai abordé son esprit comme s’il s’agissait d’un coffret verrouillé dont je devrais trouver la bonne clé : mais, jusqu’à présent, je dois l’admettre, je ne suis pas allé très loin. »

L’auteure se garde pourtant bien de trancher, laissant au lecteur le soin de se faire sa propre opinion. Margaret Atwood a choisi d’alterner passé et présent pour bâtir son roman. Le lecteur découvrira ainsi la vie de Grace à travers sa bouche. Elle raconte son enfance, sa jeunesse, ses premiers pas en tant se servante et son arrivée auprès de Mr Kinnear et de Nancy, gouvernante et maîtresse du propriétaire des lieux puis la fin dramatique de cette période. En parallèle, l’auteure raconte la relation qui se tisse entre Grace et le docteur Jordan. Celui-ci est-il capable de conserver son esprit critique face au charme et à la vulnérabilité apparente de la jeune fille ?

Le récit est passionnant par les aspects psychologiques qu’il développe. Nous sommes en pleine période de polémique autour du mesmérisme qui s’est épanoui à la fin du XVIIIème siècle. Le docteur Jordan tente de nouvelles approches thérapeutiques qui préfigurent la psychanalyse en se basant sur des associations d’idées, des analyses de rêves. Et le personnage de Grace est fascinant car il est absolument impossible de trancher définitivement sur sa culpabilité ou son innocence. On est tour à tour ému par sa naïveté presque enfantine et intrigué par la maturité et la clairvoyance dont elle fait preuve sur certains sujets.

Alors manipulatrice ou victime ? Chaque lecteur aura sa propre interprétation, avec tous les bons arguments pour défendre sa position et c’est l’une des grandes forces de ce livre.

Captive – Margaret Atwood (Editions 10|18 – juin 2003)

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7 commentaires sur “Captive de Margaret Atwood

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