
Sur la photo de couverture figure une jeune femme blonde aux yeux clairs. Elle pose là en uniforme pour un portrait qu’elle destine à ses parents. Le regard est droit et fixe le spectateur. Un léger sourire fleurit sur les lèvres de la jeune femme. Elle tient à la main une laisse au bout de laquelle se trouve un berger allemand qui porte lui-même un uniforme orné des runes SS. Cette photo, prise en 1944, est celle de Herta Lutz, l’une des gardiennes des camps de concentration. L’une des 4 000 femmes qui ont servi dans ces camps et auxquelles s’intéresse Barbara Necek ici.
C’est un récit inédit que nous livre ici l’auteure en se basant sur des témoignages, les minutes des procès d’après-guerre, les propres écrits des gardiennes. Et cela semble avoir été un véritable travail de fourmi car il y a finalement peu, voire pas, d’écrits à ce sujet.
“ Sur les 4 000 femmes environ qui ont servi dans les camps de concentration, très peu ont dû répondre de leurs crimes devant la justice. Des ratés dans la logistique de la dénazification après la guerre, le sexisme ambiant qui a empêché d’envisager que des femmes aient pu être responsables d’atrocités ainsi que le manque de volonté politique de poursuivre les crimes nazis ont sauvé la plupart d’entre elles.”
Barbara Nacek analyse ce qui a conduit ces femmes à devenir les pires des tortionnaires. A partir de 1939, elles seront formées à Ravensbrück avant de rejoindre les différents camps réservés aux femmes. C’est là qu’elles vont laisser libre cours à la plus inhumaine des violences et à une cruauté sans limite. Issues des classes populaires, pour la plupart assez jeunes, elles sont recrutées par bouche à oreille, petites annonces ou sur leur lieu de travail. Leurs postes dans les camps vont leur permettre une forme d’ascension sociale et surtout de disposer d’un pouvoir dont elles vont abuser, couvertes par un pouvoir politique qui prône l’extermination.
A l’issue de la guerre pourtant, très peu d’entre elles seront jugées et condamnées. Refus d’admettre que des femmes ont pu se livrer à de telles horreurs ? Focalisation sur les hommes du parti nazi ? Le rôle des femmes est très peu évoqué et beaucoup pourront se faire oublier et commencer de nouvelles vies en Allemagne ou ailleurs malgré le travail acharné des chasseurs de nazis.
C’est un livre passionnant par le regard qu’il porte sur la population féminine allemande et sur son activité durant la seconde guerre et qui démontre que l’inhumanité n’est pas réservée aux hommes.
On pourrait rapprocher ce travail de celui de James Willie dans Femmes de nazis, un travail de fond qui donne une perspective différente sur le nazisme.
Femmes bourreaux – Barbara Necek (Editions Grasset – octobre 2022)
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