Lire des correspondances n’est pas un acte anodin. Cela nous amène à pénétrer dans l’intimité de personnes qui n’avaient peut-être même pas envisagé que leurs lettres puissent être lues par quelqu’un d’autre que leur destinataire. Nous découvrons ainsi une autre personnalité, un caractère, des anecdotes ou des opinions qui peuvent être légèrement différents de ce que nous avions imaginé en lisant l’œuvre de l’auteur ou de l’image que renvoie habituellement la personnalité en question.
Et quand il s’agit de lettres d’amour, comme cela est le cas ici, on a peut-être encore plus l’impression de se transformer en « voyeur ». Car quoi de plus intime que l’amour ? Ainsi Albert Camus, l’auteur de L’Etranger et de la Peste, devient cet homme qui s’énerve parce qu’il est loin de Maria et qui s’inquiète parce qu’il n’a pas eu de lettre depuis deux jours. Et Maria Casarès devient cette femme qui affirme son amour et qui se noie dans le travail en attendant que son amant puisse se libérer de ses obligations familiales. Alors peut-être n’avaient-ils pas conscience d’écrire pour de futurs lecteurs mais ce qu’ils se sont écrit pendant ces quinze années est tout simplement sublime et puissant.
Ces correspondances, ce sont 1260 pages d’échanges amoureux entre Albert Camus et Maria Casarès. 1260 pages de passion, de transports, d’amour contrarié mais aussi de douceur et parfois, assez rarement c’est vrai, d’apaisement.
Ces lettres nous racontent évidemment une histoire d’amour, mais ce qui est encore plus plaisant pour moi dans ce livre, c’est qu’au-delà de la relation se dessine un portrait de l’époque en termes de littérature et de théâtre qui pour moi est fascinant.
On y croise Hébertot, Gérard Philipe, Jean-Louis Barrault, Odette Joyeux, les Gallimard, Michel Bouquet, Sartre, Gide… et autant d’anecdotes passionnantes autour de ce monde culturel des années 1950.
Maria et Albert se rencontrent en 1944, vivent leur passion avant de se séparer au retour de Francine, la femme d’Albert Camus.
Ils se retrouveront en 1948 et laisseront alors libre cours à leur amour, toutefois contrarié par les absences d’Albert qui doit soigner une tuberculose, par leurs engagements et leurs déplacements respectifs et par le fait que malgré son amour pour Maria, l’écrivain reste marié à Francine avec laquelle il a deux enfants.
Ils entretiendront cette liaison jusqu’à la mort accidentelle (dans un accident de voiture) d’Albert Camus.
Ces échanges épistolaires nous racontent ce qu’ils furent l’un pour l’autre : des amoureux, des confidents, des soutiens, des alter-ego.
Évidemment les lettres sont merveilleusement écrites, plus sérieuses du côté d’Albert, Maria laissant plus facilement la place à des petites pointes d’humour et exprimant beaucoup plus ouvertement sa passion physique. Surtout elles donnent chair et vie à deux artistes qui nous deviennent ainsi plus proches et dont on partage un peu d’intimité. 1260 pages qui se lisent avec un plaisir sans égal !
Pour aller plus loin et mettre en perspective le personnage public face au personnage privé, quoi de mieux que de se replonger dans l’œuvre d’Albert Camus (La Peste, L’Etranger, La Chute bien sûr mais aussi les œuvres de théâtre qui en disent long sur les engagements et les combats de l’écrivain : Caligula, Les Justes).
Du côté de Maria Casarès, qui me semble un peu méconnue, ne pas hésiter à revoir quelques-uns de ces nombreux films (Les Enfants du Paradis, Les Dames du Bois de Boulogne, La Chartreuse de Parme… son dernier film date de 1995). Pour ce qui est du théâtre, je ne suis pas sûre qu’il y ait eu des captations des nombreuses pièces qu’elle a joué.
J’ai hésité à me lancer dans cette volumineuse correspondance, mais ton billet m’a convaincu que l’aventure sera belle ! Je vais me lancer. J’ai une grande admiration pour Camus.
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C’est vraiment un livre magnifique ! Bonne lecture
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