
Toya est petite fille dans les années 1930 en Espagne. Dans son village situé dans le delta de l’Ebre, elle voit chaque jour les hommes et les femmes trimer dans les rizières pour le compte de celle qu’on nomme la Marquise, une femme impitoyable. Avec ses yeux d’enfants, qui voient sans tout comprendre, Toya assiste à une lente montée de rébellion chez les paysans et les employés de la Marquise. Mais aussi à travers tout le pays. Une lutte pour la liberté qui va conduire à la guerre civile et à de terribles affrontements.
Très belle découverte que la plume de cette auteure qui en est à son troisième roman. A travers les yeux de cette fillette on suit tous les événements qui vont conduire à la révolte. Le récit fait preuve d’une grande pudeur mais en même temps d’un total réalisme sur ce que subissent ces femmes et ces hommes à la merci d’une patronne sans cœur et d’une police dévouée au pouvoir. Il exprime avec une grande justesse ce trop-plein de souffrances qui vont les conduire à se révolter.
“D’abord Pilar ne sait pas par où commencer, elle avance sa chaise. Et c’est le front baissé que les phrases viennent, graves, pesées, comme à confesse. Elle dit les treize heures de labeur journalier et le prix du fermage, la peur de manquer et celle de tomber malade. Les mots se font plus pressants, ils s’imposent. Elle énumère les caprices de Madame, parle des chiens, de leurs crocs et du fils Ibáñez qui n’est pas un tendre… à son évocation, elle s’arrête.”
Le personnage de Toya est particulièrement attachant. Cette petite fille à la fois farouche mais d’une grande sensibilité vie et ressent les choses sans pouvoir toujours les nommer ou les comprendre. Mais sa volonté est admirable. Laurine Roux nous décrit avec beaucoup de tendresse les approches hésitantes de Toya vers la connaissance et vers l’apprentissage de l’écriture et de la lecture grâce à Horatio, instituteur bienveillant de qui elle finira par tomber amoureuse lorsqu’elle sera plus âgée.
Dans ce récit, la nature joue aussi un rôle prépondérant. La nature apprivoisée qui nourrit et soigne les hommes mais aussi la nature plus sauvage qui est un formidable terrain de jeu et d’apprentissage pour Toya.
A travers le prisme de cette petite société des confins de l’Espagne, Laurine Roux nous raconte toute cette période tourmentée où tous les espoirs étaient permis mais où ils étaient très souvent payés par le sang versé. Elle nous dit la douleur des opprimés mais aussi leur force de caractère. Elle nous dit la lumière qu’apporte l’espoir mais aussi les heures sombres de l’Histoire. Elle nous dit la puissance des mots et des idées. Elle nous dit aussi la force de l’amour, les sacrifices endurés, la quête de liberté et ce qui reste après la lutte.
L’autre moitié du monde – Laurine Roux (Les Editions du Sonneur – janvier 2022)
C’est une évidence, il vaut mieux se contenter d’une moitié et choisir la bonne.
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Oui nous d’accord, un très beau roman qui allie Histoire et romanesque.😉
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Une lecture qui remonte le moral, d’après ta conclusion.
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