Troisième lecture réalisée dans le cadre des Explorateurs de la rentrée littéraire de Lecteurs.com au mois d’août, et une nouvelle découverte pour moi, puisque je ne connaissais pas du tout Philippe Ségur. Un livre sombre et tourmenté qui m’a parfois déroutée, je dois bien l’avouer.
Un grand plaisir pour moi, a été de voir mes questions sélectionnées par Lecteurs.com pour être posées à Philippe Ségur. Ses réponses ont d’ailleurs éclairé certains aspects du roman et ont donné un nouvel angle à ma compréhension du récit. L’interview est à découvrir ici
Mais au final, de quoi s’agit-il ?
Peter Seurg, dont le nom (on l’aura noté) est une anagramme de celui de l’auteur, est le héros de cette histoire.
L’introduction nous amène directement à faire connaissance avec Peter Seurg, auto-surnommé le Chien Rouge, par la voix de son ami et voisin à qui il a confié un manuscrit avant de disparaître.
C’est ce manuscrit qui nous est révélé dans les pages qui suivent.
Peter est un professeur d’université, qui arrivé à la cinquantaine se pose des questions sur sa vie, la société, sa place dans celle-ci. En pleine dépression, empêtré dans une relation amoureuse compliquée avec une femme plus jeune que lui, sa vie semble être une longue fuite en avant pour essayer de s’adapter au monde qui l’entoure avec plus ou moins de succès.
Plaidoyer contre notre folle société ce livre est une interrogation sur la vie, ce qu’on veut en faire, si on doit rester victime d’un système décrit ici comme effroyable ou se prendre en main et changer ce qui peut l’être dans nos propres vies. Peter se demande s’il est victime d’un déterminisme social qui nous oblige à suivre des schémas établis pour entrer dans les cases que la société nous assigne.
Dans un geste ultime et courageux, il prend la décision de s’affranchir de ces schémas « bourgeois » et de se délester de ses possessions pour entamer une vie qu’il veut sans contraintes, sans attaches, hors des sentiers imposés.
« Je savais que jamais je ne pourrais me défaire de cette pointe au cœur, de ce regret et de cette tentation, parce qu’ils étaient le mouvement conditionné, l’instinct social de l’homme emporté par les eaux, qui, persistant à ignorer qu’il lui est loisible de nager, de plonger ou de se perdre, tend la main vers la seule bouée qu’on lui eût appris à connaître. »
Si j’ai eu du mal à m’attacher au personnage de Peter sur les premières pages, j’en suis venue progressivement à le regarder différemment au fil de la lecture. Moins comme un « vieux ronchon » refusant la société moderne et plus comme un homme qui a été conditionné et qui a voulu répondre aux attentes des autres en perdant de vue sa personnalité et ses envies.
Étrangement, j’ai l’impression qu’on traite plus facilement ce thème avec des points de vue féminins dans la littérature et c’est très intéressant de le voir évoqué ici à travers un personnage masculin.
La première partie de ce livre n’est pas sans me rappeler certains romans « feel-good » où nous apprenons le lâcher-prise (le séjour au Barcelona Burning Bash en est un exemple flagrant, sorte de festival hippie-yoga où se retrouve Peter) et la quête de soi à travers des expériences partagées. Mais un roman feel-good qui prend très vite des tonalités plus sombres au fur et à mesure qu’en Peter se livre le combat entre un retour aux normes bourgeoises et étriquées qui ont été les siennes jusque là et une volonté irrépressible de liberté et de laisser parler le Chien Rouge qui serait sa véritable personnalité. Un combat mortifère qui passe par une volonté d’auto-destruction extrêmement violente. Et qui a fini par me perdre totalement sur le dernier chapitre que j’ai fini laborieusement.
Au final, un livre qui m’a plu globalement mais de manière inégale au fil de la lecture et des aventures de Peter et qui me laisse une impression très nuancée.
Si j’ai bien aimé ses interrogations, sa remise en question, certaines façons d’y répondre me laissent perplexe. La partie « festival » et « pratiquons une sexualité libérée en fumant des joints et en adoptant des postures de yoga » me semble par exemple quelque peu réductrice voire galvaudée. La partie plus noire où on sent que le personnage perd pied et se met en danger est par contre très bien exprimée et l’écriture m’évoque parfois celle de Philippe Djian.
Le Chien Rouge – Philippe Ségur (Editions Buchet-Chastel – août 2018)
Un grand merci à Lecteurs.com et aux Editions Buchet-Chastel pour cette lecture de la rentrée littéraire en avant-première
Elles en parlent : Florence sur Le Livre d’Après