« Ils disent que je suis un traître. Je suis un traître mais mon procès est reporté. Je suis un traître qu’ils ne veulent pas juger. »
Voilà, toute la question est dans le titre ! Que va-t-on bien pouvoir faire de Knut Hamsun ? Et d’abord qui est ce Knut Hamsun ? Ecrivain norvégien, prix Nobel de littérature en 1920, personnalité reconnue et même adulée dans son pays, Kurt Hamsun est controversé à cause de ses prises de positions pro-nazies durant la seconde guerre mondiale et son soutien au régime hitlérien.
Christine Barthe a choisi de privilégier le mode du roman dans ce récit percutant qui raconte l’histoire de cet homme octogénaire, enfermé dans un hôpital psychiatrique. A la fin de la guerre, la question se pose de savoir quoi faire de cet intellectuel à la réputation entachée. L’un des dilemmes qui se posent étant de pouvoir condamner l’homme sans perdre son œuvre. Knut Hamsun se retrouve ballotté entre maison de retraite et hôpital psychiatrique en attendant que la justice sache quoi faire de lui. La solution sera trouvée, il est déclaré comme étant une « personnalité aux facultés mentales affaiblies de façon permanente », annulant ainsi toute perspective de procès.
« Il n’était pas atteint de démence, ni aujourd’hui, ni pendant la guerre, si c’était cela qu’on cherchait à mettre en avant. Non, il avait fait un choix politique. Il avait pensé qu’il pouvait aider la Norvège. »
Tout le parti pris de l’auteur est de présenter une autre face de Knut Hamsun, celle d’un homme qui a agit en conscience, sûr de faire preuve de patriotisme envers son pays. Et qui se retrouve face à des juges qui ne veulent pas tenir un procès, pour ne pas avoir à l’écouter et à le condamner.
Christine Barthe questionne son lecteur sur la responsabilité de l’écrivain et sur l’engagement moral. Sous sa plume, Kurt Hamsun n’émet jamais un regret, protestant même qu’on ne veuille pas tenir un vrai procès qui lui permettrait d’affirmer une nouvelle fois ses convictions.
Au-delà de l’attitude de l’homme, c’est plus globalement celle de ses compatriotes ou d’autres intellectuels, quelle que soit leur nationalité, qui est ici interrogée. L’auteur norvégien n’est pas le seul à avoir eu des attirances pour le régime nazi, son histoire est une histoire universelle sur la complexité de l’être humain. Peut-on dire que lui, au moins, assume jusqu’au bout ses positions et ne renie rien de ce qu’il a fait ? Est-ce faire preuve de courage ? D’aveuglement ? D’entêtement ? De fierté ou d’orgueil ? Est-ce qu’assumer ces actes et ses paroles est une excuse suffisante ? Difficile de trancher et cela ajoute à l’intensité du livre de Christine Barthe.
« Que pouvait-il lui dire, vous avez cru en moi, vous avez lu mes livres, vous les avez aimés, et vous m’en voulez de me détester aujourd’hui. Vous m’en voulez de votre douleur. J’ai certaines idées sur la Norvège, je les ai défendues sans me cacher, je n’ai pas menti. »
L’écriture de Christine Barthe est simple et directe, ne laissant que peu de place aux fioritures de style et allant droit à l’essentiel. Les plus de 100 pages du roman se lisent d’une traite, et j’ai particulièrement apprécié les échanges entre Kurt Hamsun et les médecins chargés de déterminer son état mental, ainsi que la lettre d’Eilin/Dagmar qui accuse et cherche à comprendre.
Que va-t-on faire de Knut Hamsun ? – Christine Barthe (Robert Laffont – août 2018)
Un grand merci à NetGalley France et Editions Robert Laffont pour cette lecture de la rentrée littéraire.
Elles en parlent : Cultur’Elle ; Antigone
Ravie que ce roman fasse son petit chemin. Il est effectivement bien intéressant.
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