De la forêt de Bibhouti Bhoushan Banerji

Satyacharan est un jeune homme tout juste diplômé à la recherche d’un emploi. Il se voit proposer un poste de régisseur bien loin de sa Calcutta natale, dans la forêt de Labatuliya. Son travail consistera à distribuer des terres aux paysans, des lopins de forêt qu’ils devront défricher pour s’y installer et entreprendre de cultiver la terre.

Très vite, la magie des lieux, de la forêt et des personnes qu’il rencontre vont opérer sur le jeune homme qui doit pourtant se rendre à l’évidence : le travail qu’il effectue signifie la disparition de cette forêt auquel il s’est attaché.

Ce livre est encore une fois une très belle découverte due aux Editions Zulma qui ont eu la formidable idée de publier ce roman de la littérature bengalie.

Écrit dans les années 1930 ce roman frappe par sa très grande modernité et ses préoccupations très actuelles autour de la disparition de la nature au profit d’activités humaines. La nature est le personnage principal de ce récit qui regorge de figures pittoresques et attachantes comme Yugalprasad, horticulteur amateur qui plante de nouvelles espèces au cœur de la forêt. Ou Bhanumati, jeune fille issue d’une famille royale déchue.

« Plus les jours passaient, plus je tombais sous le charme et la fascination de la forêt. Je serais incapable de décrire cette solitude, ou la forêt de tamaris sauvages rougie par le soleil couchant. J’avais de plus en plus l’impression que je ne pourrais plus retourner au tumulte de Calcutta en laissant derrière moi cette liberté, cette indépendance, le parfum frais de la terre brûlée de soleil et cette immense forêt qui s’étendait jusqu’à l’horizon. »

Pendant les sept années que Satyacharan va passer dans ces lieux, il aura maintes fois l’occasion de s’émerveiller de tout ce que la nature offre à celui qui sait la regarder. La faune et la flore jouent évidemment un rôle primordial mais aussi toutes les légendes qui sont attachées à cette immense forêt et qui disparaîtront probablement avec elle.

Ce roman dégage une atmosphère à la fois paisible et pleine de nostalgie. Paisible car les habitants vivent au rythme des saisons et nostalgique car inévitablement ce monde est amené à finir.

« Le don que fait la nature à ceux qui l’aiment n’est pas de peu de valeur, mais elle ne fait ce don qu’à celui qui l’a servie longtemps. C’est une maîtresse au tempérament jaloux ! Si l’on veut la nature il faut vivre uniquement en son sein ; un simple coup d’œil ailleurs, et telle une jeune fille blessée, elle ne se découvrira plus. Mais immerge-toi en elle, oubliant toute autre chose, et avec générosité elle déversera sur toi joie, beauté et une paix merveilleuse – jusqu’à en perdre la raison. »

Bibhouti Bhoushan Banerji nous emmène aussi à la rencontre d‘une population qui vit très loin de la modernité des villes et qui se bat chaque jour pour vivre, manger, élever ses enfants. Et pour laquelle Satyacharan ça se prendre d’une grande affection. Cela permet à l’auteur d’entrer dans le détail des relations entre les castes, entre les hommes et les femmes, entre les citadins et les paysans.

L’auteur nous rappelle, grâce à ce roman, l’extrême fragilité de la nature mais aussi de tous ceux qui restent au bord du chemin. Un roman absolument captivant sur l’Inde mais qui interroge plus largement sur la place de l’homme au milieu de la nature.

De la forêt – Bibhouti Bhoushan Banerji (Éditions Zulma – mars 2020)

Regard sur la couverture du roman De la forêt

J’ai déjà eu l’occasion de parler des couvertures aisément identifiables des Editions Zulma dans le compte-rendu que j’ai fait de la rencontre avec Laure Leroy (fondatrice et directrice des éditions) à la librairie Paroles de Saint-Mandé, que vous pouvez retrouver ici.

La couverture de De la forêt est un peu différente puisque, même si elle est toujours designée par David Pearson, la source d’inspiration est une création originale de Roshni Vyam. Cette jeune artiste est diplômée du National Institute of Fashion Technology, à Bengaluru en Inde. Elle est originaire de Sunpuri, un village du district de Mandla dans le Madhya Pradesh (centre de l’Inde), qui est le grand centre de l’art Gond. Cet art met en scène la nature, à travers la représentation d’animaux fantastiques ou de végétaux et se caractérise par l’utilisation de couleurs vives.

La couverture de De la forêt rend ainsi hommage à cet art ancestral et met parfaitement en scène les thèmes abordés dans le roman.

Publicité

6 commentaires sur “De la forêt de Bibhouti Bhoushan Banerji

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s