
Le roman d’Emmanuelle Favier est d’une force magnifique. J’étais un peu passée à côté de ce livre à sa sortie en 2017 et je suis ravie d’avoir comblé cette lacune grâce à l’édition de poche.
Pour échapper à un mariage arrangé qui la révolte, Manushe prend la décision de faire vœu de virginité. Dans sa communauté elle vit donc seule, avec les droits habituellement réservés aux hommes. Mais l’arrivée d’Adrian habité par un passé mystérieux va venir tout bouleverser.
Je ne peux pas en raconter trop sans dévoiler une bonne partie de ce qui fait le fond de l’intrigue.
Ce roman est une histoire d’amour, de place dans la société, de quête d’identité, de filiation, de transmission, du poids de la société et de ses règles, de transgression et de désir. C’est aussi l’histoire d’un besoin éperdu de tendresse et de liberté.
Quel incroyable premier roman. Emmanuelle Favier a su aussi bien respecter ses personnages et leurs personnalités que dresser une ambiance à la fois poétique, sombre et sensuelle.
Et ce n’était pas forcément gagné car plusieurs histoires se mêlent.
« Alors Manushe s’autorisait à revivre en pensée les jouissances du matin. Jamais ils n’en parlaient. C’eût été tirer sur le voile d’un interdit trop immense, que leur accord tacite maintenait dans l’espace d’une fiction acceptable. Une inquiétude agitait Manushe derrière l’exaltation où la mettait cette nouvelle vie. Pour la première fois, elle avait quelque chose à perdre. »
Cela tient à la fois du conte (pour ma part je n’avais jamais entendu parler des « vierges jurées » des Balkans) et du récit sociologique sur la place des femmes dans la société et le rapport aux hommes.
Un angle d’étude totalement original et qui met le doigt sur les contradictions humaines avec beaucoup de justesse.
J’ai eu de la peine à dire au revoir à Manusche et à Adrian tant je me suis attachée à eux.
Le courage qu’il faut aux rivières en prix littéraires :
Ce premier roman d’Emmanuelle Favier a recueilli une moisson de prix en 2017 et 2018 !
En 2017 le roman fait partie de la Sélection Cultura et remporte le Prix révélation de la SGDL (Société des gens de lettres).
Et cela se poursuit en 2018 avec 4 Prix. Le Prix Jeune Mousquetaire de Nogaro, le Prix Poulet-Malassis de la ville d’Alençon, le Prix Coup de cœur des lycéens de la Fondation Prince Pierre de Monaco et le Prix des lecteurs de la librairie l’Esperluète de Chartres viennent à leur tour couronner ce sublime roman.
Les Vierges Jurées d’Albanie :
Le roman d’Emmanuelle Favier s’inspire d’une réalité historique. Les vierges jurées proviennent d’une tradition née dans les montagnes du nord de l’Albanie. Une tradition toujours en vigueur, mais dont les représentantes disparaissent peu à peu, et qui est pour ces femmes une forme de résistance à un ordre patriarcal prédominant ou le moyen d’échapper à un mariage arrangé.
Une fois son serment prononcé, une vierge jurée s’habille comme un homme, vit comme un homme et jure de ne plus avoir de rapports sexuels, pour l’honneur de la famille. Ce serment est irrévocable.
Le courage qu’il faut aux rivières – Emmanuelle Favier (Editions Albin Michel – 2017 / Le Livre de Poche mars 2019)
Il me tentait à sa sortie, et puis je l’ai un peu oublié.
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Il faut le réinscrire dans la liste 😉
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