
La vie paisible de Margaux et Philippe Novak vole en éclats. Installés en Baie de Somme avec leur petit garçon, Romain, le couple était pourtant sans histoire. Elle, infirmière, appréciée de ses patients. Lui, employé modèle. Une maison tranquille où vivre sereinement tous les trois. Mais Judith Balmain va transformer leur vie en enfer. Judith est policière et traque depuis quinze ans un certain Antoine Durieux-Jelosse, soupçonné d’avoir tué sa femme et ses trois enfants avant de disparaître. Et Judith est sûre d’avoir reconnu cet Antoine sous le masque de Philippe Novak. Petit à petit le trouble gagne Margaux. Que sait-elle finalement de cet homme avec qui elle vit qui n’a pas de parents, pas d’amis, un passé dont elle connait si peu. Sous les pressions conjuguées des habitants de la ville où ils sont installés et où la rumeur a vite fait de les accabler et celle de cette policière tenace, Margaux va peu à peu sombrer. Mais la volonté de protéger son fils sera sans doute la plus forte.
Clairement, l’auteur est habité ici par les fantasmes qui entoure la disparition de Xavier Dupont de Ligonnès. Il s’en donne à cœur joie en développant une hypothèse un poil capillotractée comportant une reconstruction faciale, une usurpation d’identité, d’invraisemblables points communs entre Antoine et Philippe. Et bizarrement, cela ne fonctionne pas si mal. On est, comme Margaux, d’abord incrédule devant cette policière qui débarque de nulle part. Puis troublé par les coïncidences, les trous dans l’histoire de Philippe.
D’autant qu’en parallèle, Julien Messemackers revient sur l’histoire entre Antoine et Marianne, l’épouse disparue avec les enfants et qui n’a jamais été retrouvée. Il explore ainsi toute la psychologie d’un homme manipulateur, menteur, hanté par des rêves de grandeur qui le conduisent à s’endetter et à mettre en péril sa famille.
“Pour le moment, il doit donner le change, jouer l’innocent, en mettant cette affreuse méprise sur le compte de son passé. Mais il sait qu’il m’a sur le dos. Que je vais pas le lâcher. Il va finir par paniquer. Faire une erreur. La façade va commencer à se craqueler. C’est à ce moment-là que je lui tomberai dessus.”
Ainsi, on lit avec intérêt l’histoire de cette traque auquel Judith a beaucoup sacrifié. Même si on imagine assez vite vers quelle conclusion l’auteur va nous amener, on se demande par quel chemin il va y parvenir et cela suffit à nous faire tourner les pages de ce thriller.
Un bémol stylistique par contre en ce qui me concerne. J’ai été gênée tout au long de la lecture par les dialogues qui ne contiennent aucune négation (“je vais pas le lâcher” ; “vous pensez jamais…”). Alors certes, le langage parlé regorge de ces négations absentes, et moi-même je dois en abuser. Mais à l’écrit, cela dérange la fluidité de la lecture.
Le poison du doute – Julien Messemackers (Editions Le Passage – octobre 2020)
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