
Eileen Tumulty est la fille unique d’un couple d’immigrants irlandais. Née dans l’Amérique de l’après guerre, Eileen admire son père, figure respectée de son quartier, et souffre de l’alcoolisme de sa mère. La petite fille nourrit des rêves d’ascension sociale. Devenue infirmière, elle tombe amoureuse et épouse Edmund Leary, un jeune chercheur en qui elle place beaucoup d’espoir. C’est ensuite vers son fils, Connell, qu’elle déplacera ses ambitions. Mais les rêves d’Eileen ne sont pas forcément ceux de son mari et de son fils, et la vie joue parfois des tours imprévus.
Ce passionnant récit retrace sur soixante-dix ans et plus de 800 pages, la vie d’Eileen. Ses espoirs, ses déceptions, ses combats se racontent ainsi au fil des pages d’un roman qui ne s’essouffle à aucun moment. Ce qui est une gageure, car il ne s’agit pas là d’un roman choral qui multiplierait les personnages et donc les histoires mais bien de se focaliser sur la vie de cette femme de son enfance à sa vieillesse. Et il faut bien l’admettre, Eileen n’est pas un personnage toujours sympathique. Imposant ses vues et ses envies à Ed et à Connell, c’est une forte femme qui cherche à tout maîtriser. Mais on s’attache malgré tout à elle et on finit par respecter ses choix et à les comprendre.
“Elle avait travaillé dur pendant des années, et même si elle n’avait rien d’autre pour le prouver que sa maison et l’éducation de son fils, il y avait toujours ce fait irréfutable : tout cela avait bel et bien existé, et personne ne pouvait l’effacer des archives de la vie.”
La seconde partie du récit est terriblement touchante. Car si elle force Eileen à renoncer à ses ambitions et à faire face à la maladie d’Ed, elle donne une ampleur et une profondeur particulières à ce personnage. Toutes ses forces se tendent dans la volonté de venir en aide à son mari, d’affronter cet événement avec fermeté et dignité.
Au fil des pages, Matthew Thomas retrace aussi plus d’un demi-siècle de la vie en Amérique et de son évolution en parallèle de la vie de la famille Leary. Sans jamais tomber dans la facilité, l’auteur nous parle aussi de la maladie, des relations familiales, de l’amour et du temps qui passe.
Un livre et des personnages qu’on a du mal à quitter alors même qu’on les a suivis sur toute la longueur de ce pavé.
Nous ne sommes pas nous-mêmes – Matthew Thomas / Traduction de Sarah Tardy (Editions 10/18 – septembre 2016)
2 commentaires sur “Nous ne sommes pas nous-mêmes de Matthew Thomas ”