Cannibale Blues de Béatrice Hammer

Illustration de fond : Bel Burkill pour le magazine Flow

Plein d’enthousiasme, Philippe Ramou débarque en Afrique dans le cadre d’un programme de coopération. Nous sommes en 1984. Avec ses vingt-quatre ans, ses certitudes de français, ses idéaux de jeune homme, il vient là pour deux ans afin d’enseigner l’économie dans un Institut Polytechnique. Dès son arrivée, il se retrouve flanqué d’un boy, Joseph, qui semble avoir quelques secrets à cacher. On murmure qu’il travaillerait pour la Sûreté et serait chargé d’espionner les personnes chez qui il est en service.

Evidemment, la réalité du terrain est bien loin de ce à quoi s’attendait Philippe. Il se retrouve très vite en butte à la malignité de ses collègues, à la vision quasiment colonialiste des expatriés, aux magouilles locales et à des élèves pas aussi coopératifs qu’il l’aurait espéré. Le voilà même bousculé dans sa fidélité à sa fiancée, Juliette, restée en France par une Vénus noir sublime et une américaine entreprenante.

Petit à petit, les certitudes de Philippe s’effondrent au contact des réalités d’un pays loin de l’image d’Epinal qu’il s’en était fait.

Béatrice Hammer a choisi de raconter l’histoire à travers les voix de Philippe et de Joseph qui se répondent dans ce récit à l’humour féroce.  A la naïveté touchante du jeune enseignant vient se juxtaposer le mystère qui entoure la personnalité de Joseph. Autour de ces deux hommes gravite une galerie de personnages hauts en couleurs. Un directeur d’Institut corrompu, un couple échangiste, un religieux magnanime… Tous pétris d’a priori et certainement pleins de bonnes intentions.

« Je pensais que ce choc énorme me viendrait de la rencontre avec l’Afrique. Les choses sont plus surprenantes: c’est du milieu des Européens, ceux dont je me sens le plus proche, que viennent les remises en question les plus importantes. »

La confrontation entre ces mondes et ces personnages est l’occasion pour l’auteure de dresser une satire caustique qui ne ménage personne. L’arrivée de Juliette, la petite fiancée française, sera l’occasion d’un nouveau basculement dans la vie de Philippe qui s’empêtre de plus en plus dans ces relations et dans sa vision de l’Afrique. On comprend au fil de l’histoire qui est réellement le personnage de Joseph, quels drames il a traversé (la touche émotion du récit vient principalement de son histoire), son rôle dans le lent effondrement de Philippe et les raisons qui le poussent à agir de la sorte.

Béatrice Hammer explore tous les clichés qui peuvent s’attacher à l’Afrique, à la relation entre les blancs et les noirs, entre les hommes et les femmes, entre les classes sociales pour les tourner en dérision en dosant très subtilement l’ironie tout au long des pages.

C’est un roman très plaisant qui se lit avec intérêt et dont les rebondissements sont justement amenés. Même celui de la fin dont on se demande s’il est une nouvelle façon de profiter de la naïveté de Philippe ou la réalité. Chacun des personnages est attachant à sa manière (roublarde, naïve, intéressée) et on apprécie grandement ce voyage en Afrique.

Cannibale Blues – Béatrice Hammer (Les Editions d’Avallon – juin 2020)

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