Le dernier mort de Mitterrand de Raphaëlle Bacqué

Nous sommes quasiment arrivés au terme du second mandat de François Mitterrand, en avril 1994. François de Grossouvre, proche du Président dont il est par ailleurs l’un des conseillers se donne la mort dans son bureau de l’Elysée. Qu’est-ce qui a conduit cet homme, fidèle parmi les fidèles de Mitterrand à accomplir ce geste fatal ? C’est ce que la journaliste Raphaëlle Bacqué va explorer dans ce livre passionnant qui nous mène dans les coulisses d’un règne hors du commun.

Car oui, on peut parler d’un règne en ce qui concerne François Mitterrand et ses 14 ans à la tête de la France. Quatorze années émaillées de secrets qui ont probablement été tous dévoilés depuis mais qui démontrent bien l’emprise de l’homme d’état sur son entourage et au-delà.

Mais ce qui intéresse Raphaëlle Bacqué ici c’est la mécanique qui a conduit François de Grossouvre d’un dévouement sans faille, voire aveugle, au désenchantement jusqu’à menacer l’autre François de dévoiler ses dérives.

“ Au début, il surprenait. Puis, il a fait sourire. Maintenant, il exaspère. Autour de François Mitterrand, on supporte de plus en plus mal les manières de Grossouvre. Ce n’est pas qu’il soit désagréable. Au sein de la Cour, il se montre même charmant, généreux, d’un naturel plutôt gentil. Mais il use en toutes circonstances de son amitié avec Mitterrand comme d’un viatique. “Le président souhaite que…” “Le président m’a demandé…” Il ne répond à aucune des hiérarchies technocratiques de l’Elysée. Il est incontrôlable.”

On est presque ici au cœur d’une histoire d’amour et de son déclin. L’histoire d’un roi et de son favori qui ne supportera pas d’être écarté et moqué par le reste de la Cour.

Compagnon de la première heure, dépositaire des secrets les plus intimes de François Mitterrand – il est le parrain de Mazarine et vit dans l’appartement au-dessus d’Anne Pingeot avec sa maîtresse – François de Grossouvre est l’abnégation incarnée. Mais il est aussi un homme qui se laisse prendre aux charmes du pouvoir. Et qui ne supportera pas d’en être progressivement écarté et de voir l’homme à qui il a tout sacrifié lui tourner peu à peu le dos pour prendre d’autres confidents, distribuer son amitié et sa confiance ailleurs. 

C’est une plongée passionnante au cœur d’une relation amicale entre deux hommes dont l’un dirige la France et une analyse très intéressante d’une autre époque. Celle où un président pouvait, par exemple, rendre visite à la femme qu’il aime sans être photographié par des paparazzi ou diriger un pays en cachant son état de santé.

En creux, c’est aussi le portrait d’un François Mitterrand manipulateur, implacable, tout puissant, entretenant volontairement des zones d’ombre et utilisant les uns et les autres tels les pions d’un échiquier qui se dessine ici. Les dessous de la relation entre les deux François donnent ainsi lieu à une fascinante analyse du monde politique du siècle précédent.

Le dernier mort de Mitterrand – Raphaëlle Bacqué (Editions Le Livre de Poche – janvier 2011)

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7 commentaires sur “Le dernier mort de Mitterrand de Raphaëlle Bacqué

  1. J’ai récemment lu « Marie-Thérèse Eyquem » de Florys Castan-Vicente ; c’était une proche de Mitterrand (quoique ce dernier ne soit pas l’élément central de la biographie de cette femme politique, et tant mieux !) et du coup j’ai bien envie de lire « Le dernier mort de Mitterrand » qui promet une autre vision d’un bout de l’Histoire.

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