Le Doorman de Madeleine Assas

Raymond (Ray) a trente ans lorsqu’il devient doorman au 10 Park Avenue, à New-York. Il y restera quarante ans, témoin privilégié et bienveillant des vies des habitants des lieux, arpenteur infatigable des rues de la ville. Ray vient d’Oran. Pied-noir d’origine espagnol. Son père a disparu dans les camps de la mort et sa mère a été tuée dans une émeute en 1961. Il est seul, sans attaches familiales et New-York est pour lui un terrain vierge et neutre où se reconstruire. Ce n’est sans doute pas anodin s’il exerce cette profession un peu énigmatique pour nous, européens, de doorman. Cet homme constamment présent, qui veille sur les habitants d’un immeuble de standing et qui s’efface devant les désirs des autres. Ce personnage indispensable, qui sait tout des habitudes des habitants de l’immeuble dont il a la charge mais dont personne ne connait l’intimité.  

C’est peu de dire que le lecteur s’attache très intensément à ce personnage de Ray. On a envie de partir avec lui à la découverte de cette ville qui change au gré des ans et des saisons et de rencontrer les quelques précieux amis que Ray se fera au cours de sa vie. De s’arrêter prendre un café, de découvrir Ellis Island, de parcourir les parcs, de remonter Broadway. 

Dans ce récit éminemment cinématographique, Madeleine Assas revient aussi sur l’enfance de Ray à Oran retraçant les prémices de ce qui a construit son rêve américain.  

« Il y a des lieux à New York où je me sens étranger, en visite et j’aime ça. Au lieu de me déstabiliser, le dépaysement me recentre. Et tous les voyages passés reviennent en vagues dans ma mémoire et mon corps. Si le gène du voyage existe, il a gagné depuis la nuit de mes temps mes cellules et continue de croître en moi sous diverses variations. » 

New-York est ici un personnage à part entière de cette histoire qui s’étire sur quarante ans, tour à tour accueillante, arrogante, cruelle, surprenante, meurtrie, toujours en mouvement, offrant des occasions de rencontres uniques. Madeleine Assas nous plonge totalement dans l’atmosphère de cette ville tentaculaire et même si on y n’a jamais mis les pieds elle sait nous donner l’impression d’un univers à la fois familier et dépaysant.  

Aux côtés de Ray se tient une galerie de personnages fascinants et tout aussi attachants, dans lesquels on ne peut s’empêcher de voir une famille choisie. Il y a ainsi la petite Alma que Ray rencontre alors qu’elle a 5 ans et qui deviendra une véritable amie et une confidente. Salah avec qui Ray se promène dans la ville et qui rêve de devenir cinéaste. Hannah Belamitz, à qui Ray doit sa place, présence rassurante et familière. Ou bien encore Bentzion, sorte de père de substitution avec lequel Ray aime à s’entretenir. Et puis bien sûr les collègues de Ray, concierges, surintendants ou doormen, figures fugaces mais qui fixent le cadre de la vie de Ray.  

Je suis absolument ravie de m’être laissée emporter dans le sillage de Ray et pour un premier roman, je crois qu’on peut dire que c’est un coup de maître(sse) !  

Le Doorman – Madeleine Assas (Editions Actes Sud – février 2021) 

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6 commentaires sur “Le Doorman de Madeleine Assas

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