
A l’aube de ses quatre-vingt-onze ans, Gabrielle de Miremont est une maîtresse femme pleine de certitudes et habituée à commander. Rien ne semble atteindre cette femme de tête dont la devise pourrait être “Never complain, never explain”, telle une reine en son royaume. Mais Gabrielle a dans son cœur une force et une faiblesse : son fils, Pierre-Marie. Ce garçon qu’elle a élevé dans la dévotion de Dieu et qui est devenu prêtre. Cet homme dont on vient de lui apprendre la mort ce matin même. Ce prêtre sur qui les pires accusations portent : celles d’avoir abusé des jeunes garçons dont il avait la garde. Le monde si réglé et policé de Gabrielle s’est effondré lorsqu’elle a compris de quel crime son fils était coupable. Et c’est une femme meurtrie mais toujours combative qui fait face à l’une des victimes de Pierre-Marie et qui va entreprendre de, peut-être, réparer les blessures causées par son fils tant aimé.
Quel récit ! Quel personnage ! Toute la puissance du roman tient en effet à la personnalité de Gabrielle, cette mère qui voit totalement remis en cause son amour de son fils mais aussi son amour de Dieu. Car loin de nier, de refuser l’évidence, de défendre son fils coute que coute, Gabrielle prend le parti de rencontrer une victime, Hadrien, d’ajouter foi à ce témoignage accablant. Il sera pour elle le porte-parole de tous ceux que son fils a meurtri et dont il a détruit les vies.
“La porte s’était refermée sur Hadrien. Je l’avais vu emprunter d’un pas lent le long chemin bordé de peupliers qui mène à la route principale. Puis il avait disparu : la nature était verte et pleine, elle n’avait fait qu’une bouchée de ce beau jeune homme qui lui-même n’avait fait qu’une bouchée de moi après que mon fils n’avait fait qu’une bouchée de lui. Nous nous étions dévorés les uns les autres.”
Si les conversations entre Gabrielle et Hadrien sont terriblement émouvantes et éprouvantes pour le lecteur ce sont aussi elles qui permettent de comprendre le cheminement de Gabrielle. Car autant elle a aimé son fils de manière inconditionnelle autant sa condamnation des actes qu’il a commis est forte. Ce qui s’est passé n’ébranle pas seulement son amour de mère, cela remet en question les fondements même de sa vie, cet amour qu’elle a toujours voué à Dieu depuis sa plus tendre enfance au point de vouloir lui consacrer l’un de ses enfants, son préféré. Son verdict sera d’autant plus sans pitié et la culpabilité et la honte qu’elle va éprouver d’autant plus fortes.
C’est un roman puissant. Par le sujet dont il traite et par la manière dont il l’aborde. Par ce personnage incroyable. Par ce style à la fois très simple mais aussi très précis et direct. Par les scènes qu’il décrit et l’émotion qu’il fait naître. Une totale réussite.
Je suis la maman du bourreau – David Lelait-Helo (Editions Héloïse d’Ormesson – janvier 2022)
Tu donnes envie de découvrir cette femme, car le titre du roman ne me tentait pas.
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La lecture est un peu éprouvante mais ce roman est magnifique
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