
Le début de la lecture s’est avéré quelque peu laborieux et j’ai eu bien du mal à entrer dans l’histoire tant le propos me paraissait obscur. Les premières pages évoquent une sorte de voyage fantasmagorique au cœur d’un système autoroutier tentaculaire qui pourrait être une allégorie du monde dans lequel évolue le personnage principal. Puis on entre dans l’histoire, mais elle demande un véritable effort pour s’y attacher tant la narration est pleine de digression, de chocs de temporalité et ne suit pas une chronologie et une structure simples et familières.
Richard Kraft est interne au Carver Hospital de Los Angeles, spécialisé en pédiatrie. Il doit faire face à une pression permanente et l’accueil des enfants va bien au-delà de simples interventions médicales car il semble que l’hôpital soit un carrefour où se croisent toutes les détresses.
C’est un livre émotionnellement perturbant par la noirceur qu’il véhicule et cela d’autant plus qu’il concerne des enfants malades, en difficulté, victimes de violence, clandestins, au cœur d’une ville qui semble être au bord de sombrer, dans un pays apocalyptique.
Le personnage de Richard Kraft paraît être aussi proche de l’effondrement, cherchant à éprouver le moins d’empathie possible pour les enfants qu’il opère contrairement à Linda, la thérapeute dont il est amoureux.
« Le fait est que si tu les connaissais tous par leur nom, si même tu te contentais de jouer ton cœur sur les seuls cas les plus susceptibles de survivre, tu finirais par tourner de l’œil, tu crèverais en moins d’une semaine sous l’effet de la décompression. »
Pourtant, le système de défense de Kraft ne peut rien face à la rencontre avec Joy, une petite fille laotienne qui à douze ans a déjà connu les massacres, la famine, l’abandon et détient une sagesse et une intelligence hors pair.
C’est à la fois violent, dérangeant, terriblement présent et révoltant. Richard Powers ne cherche pas à nous rendre son roman plaisant. Il montre et dissèque un monde terrifiant sans laisser à son lecteur le temps de reprendre son souffle au milieu de toute cette noirceur.
« La petite fille qui une fois encore sert d’interprète, se contente de regarder son médecin avec de grands yeux charitables. Elle se demande comment les deux hommes qui aujourd’hui comptent le plus pour elle dans sa double existence peuvent occuper le même espace tout en étant incapables de se parler. »
C’est aussi très chaotique, voire cauchemardesque, cela prend parfois des allures de cour des miracles – les surnoms des enfants sont par exemple le Sans-visage, le Crabe violoniste ou la Rapparition. C’est un roman très ambitieux, parfois drôle (le groupe des enfants est à la fois attachant et touchant), souvent désespérément cynique, un brin trop embrouillé pour moi lorsque le roman part dans des considérations politiques, historiques ou théologiques. Au point que j’avoue avoir passé un peu vite sur certains passages et les longues paraboles dont la présence étaient pour moi trop disruptives et perturbaient finalement ma compréhension du récit.
Je conseille quand même de lire ce livre uniquement si on a un moral au top !
Opération âme errante – Richard Powers (Editions Le Cherche Midi – septembre 2019)
Dès les premières lignes de ton billet, j’ai senti que ce roman n’était pas pour moi.
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C’est tentant mais comme mon moral est plutôt en berne en ce moment je vais m’abstenir.
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Il vaut mieux, c’est un livre dur.
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