Middlemarch de George Eliot

Middlemarch est un roman foisonnant de plus de 1 100 pages qui met en scène les habitants de ce typique village anglais de l’ère victorienne et surtout les amours et les mariages de Dorothea Brooke, de Rosamond Vincy, du docteur Tertius Lydgate, de Fred Vincy (frère de Rosamund), de Mary Garth, de Will Ladislaw… Autant de personnages dont on se plait à lire les aventures, suivies de près et largement commentées par la génération de leurs aînés. Autant de caractères divers et tous plus attachants les uns que les autres. 

Si le propos peut sembler léger au premier abord, raconter les amours contrariés de plusieurs personnages, il donne l’occasion à George Eliot de déployer son incroyable talent de conteuse et de portraitiste. Chacun des personnages donne lieu à une analyse fine et pertinente de sa psychologie et les rebondissements sont autant d’occasions de les mettre dans des situations qui révèlent leurs pensées les plus profondes.  

Pas une seule minute d’ennui au fil de ce pavé qui dépeint aussi la société anglaise de l’époque, entrant dans de nombreux détails, notamment politiques, qui permettent de situer les personnages et leur implication dans la vie citoyenne.  

« Comment se faisait-il qu’au cours des semaines écoulées depuis son mariage Dorothea eût, non pas discerné clairement, mais senti avec un abattement étouffant, que les vastes perspectives et l’abondance d’air frais qu’elle avait rêvé de trouver dans l’esprit de son mari eussent été remplacées par des antichambres et des couloirs tortueux qui ne menaient nulle part ? Je suppose que c’est parce que pendant les fiançailles tout est considéré comme provisoire et préliminaire, et que le plus modeste échantillon de vertu ou de talent est censé garantir l’existence de précieuses réserves que feront découvrir les amples loisirs du mariage. Mais, une fois franchi le seuil du mariage, l’attente se concentre sur le présent. Quand on est embarqué pour le voyage conjugal, il est impossible de ne pas se rendre compte qu’on n’avance pas et que la mer n’est pas en vue – bref, qu’on est en train d’explorer un bassin fermé. » 

Un élément frappant du style de George Eliot est son incroyable sens de l’humour et de la dérision. Notamment lorsqu’elle évoque la place des femmes au sein du couple et de la société. Ses personnages féminins ont d’ailleurs tous des caractères bien trempés, et sont capables de tenir tête à leurs père, oncle, tuteur et mari sans en avoir l’air mais avec beaucoup d’efficacité. On se surprendra ainsi de nombreuses fois à sourire durant la lecture de cet ouvrage dense et riche.  

Middlemarch est sans conteste un classique de la littérature, mais certainement pas un classique poussiéreux et daté. Il démontre une belle modernité, autant dans le style que dans l’intrigue, une intelligence supérieure dans la description psychologique des personnages, une connaissance très fine de l’âme humaine et une capacité hors norme à rendre les plus petits détails du quotidien passionnants.  

Cerise sur le gâteau, cette édition comporte une sublime préface de Virginia Woolf qui rend un hommage émouvant à son aînée.  

Middlemarch – George Eliot / Traduction de Sylvère Monod (Editions Folio – novembre 2005) 

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