Les Oxenberg & les Bernstein de Cătălin Mihuleac

Les Bernstein vivent aux Etats-Unis et ont fait fortune en revendant des vêtements vintage. La famille se compose, entre autre, des parents, Joe et Dora et de leur fils Ben. En 2001, Dora et Ben se rendent en Roumanie, à Iaşi, et y rencontrent Suzy qui deviendra l’épouse de Ben. Soixante ans auparavant, en 1941, les Oxenberg vivent en Roumanie, dans cette même ville de Iaşi (une ville que j’ai découverte ainsi que son histoire sous le nom français de Jassi dans le roman Eugenia de Lionel Duroy). La famille Oxenberg ce sont Jacques, gynécologue-obstétricien reconnu, Roza, son épouse et leurs deux jeunes enfants, Lev et Golda. Racontées en parallèle, les histoires de ces deux familles vont se croiser et les interactions entre les personnages se dévoiler petit à petit au lecteur. 

Cătălin Mihuleac prend pour toile de fond le pogrom de Iaşi qui eut lieu en juin 1941 et qui est un épisode mal connu de l’histoire de la Roumanie durant la seconde guerre mondiale. 

Comment rendre justice à un livre d’une puissance telle qu’il prend le lecteur littéralement aux tripes et ne le lâche plus jusqu’au dernier mot ?  

Le style de Cătălin Mihuleac est très particulier. C’est un mélange d’humour caustique et de réalisme cru. Il n’épargne rien à son lecteur de la barbarie de ce qui s’est passé en 1941 en Roumanie et conte avec brio et de manière très satirique la vie de la riche famille Bernstein en Amérique.  Pour cela, il laisse la parole à Suzy qui raconte son arrivée dans cette famille, le rôle qu’on attend d’elle et ses rapports avec chacun des membres de la famille : pleins de tendresse et de respect pour son beau-père Joe, d’affrontements avec sa belle-mère Dora, oscillants entre amour, confraternité et détestation avec son mari, Ben.  

« Il existe en ce monde des sages-contrebandiers qui prétendent que rien n’est dû au hasard sous le soleil. Ils en ont la certitude. Ils ont reçu des garanties de Dieu en personne. Qui leur a expliqué le plan de développement de la planète. Tout est pensé d’avance, là-haut. Chaque événement important fait partie d’un projet céleste. Je ne suis pas d’accord. Au contraire, moi, je vois partout la main d’un ravaudeur. Il s’appelle hasard. Un tailleur qui sort d’une machine Singer contrefaite des vêtements qui ont l’apparence du neuf. En se servant de vieux morceaux usés. Un chiffonnier. » 

Les chapitres alternent ainsi entre 2001 et 1941, faisant vivre au lecteur des moments tout en contraste entre la vie insouciante des Bernstein et les horreurs auxquelles seront confrontés les Oxenberg.  

Cătălin Mihuleac installe ainsi un jeu de miroir entre les deux époques liées entre elle par un fil qui ne sera totalement dévoilé qu’à la fin du livre mais pour lesquelles Suzy joue un rôle de passerelle.  

Ce livre m’a fait ressentir un panel d’émotions incroyables allant de l’amusement à l’horreur et au rejet le plus absolu. C’est fort, intense, un exercice d’équilibriste virtuose entre un humour grinçant et une profonde gravité.  

Un livre à lire, absolument, ne serait-ce que pour la mise en lumière de cet épisode longtemps caché et toujours douloureux du pogrom de Iaşi et pour rendre hommage à la mémoire de ceux qui ont eu a le vivre. 

Les Oxenberg & les Bernstein – Cătălin Mihuleac (Éditions Noir sur Blanc – avril 2020) 

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