Les Amazones de Jim Fergus

Jim Fergus clôt avec majesté la trilogie entamée avec Mille Femmes Blanches et poursuivi avec La vengeance des mères. 

Avec Les Amazones, une page se tourne définitivement sur un monde et une époque mouvementés (euphémisme) et tourmentés.  

Alors que le premier tome m’avait emballée, La vengeance des mères m’avait quelque peu déçue. Je partais donc avec un peu de réticence dans la lecture de ce troisième opus.  

Et j’ai totalement adhéré au récit et ai été ravie de retrouver les héroïnes de cette histoire passionnante. 

Les femmes recrutées pour devenir les épouses des Indiens ont bien changé et c’est cette évolution de leurs caractères et de leur mentalité que l’auteur nous dépeint. Abandonnées par l’Etat, elles ne comptent que sur elles-mêmes et sur les tribus qu’elles ont rejoint et dont elles ont épousé la cause pour survivre à travers une nature omniprésente qu’elles apprennent à déchiffrer et les guerres sanglantes qui opposent les Indiens à l’armée américaine.  

Durement éprouvées (elles ont perdu des enfants, des amis, ont été agressées, ont assisté à des massacres, ont survécu à des attaques), elles se soutiennent les unes les autres et apprennent à composer avec une époque hostile.  

Et c’est tout le drame des populations d’origine de cette terre mais aussi leur courage et leur lutte que Jim Fergus nous fait embrasser grâce aux journaux retrouvés de deux personnages clés de l’histoire : May et Molly. 

« Les Indiens sont des gens discrets et effacés. A ce propos, je n’utiliserai pas dans ces pages le terme d’Amérindiens, relativement récent. Il nous a été attribué par des Blancs bien intentionnés, de manière à faire valoir que nous étions les premiers habitants du continent qu’ils nous ont pris. » 

Mais Jim Fergus ne se contente pas de relater l’histoire américaine du XIXème siècle. Il se sert de ce récit comme caisse de résonance pour raconter une histoire plus contemporaine, celle de ces Indiens ou de ces sangs-mêlés qui continuent de subir la violence et notamment les femmes. Jim Fergus cite ainsi des chiffres qui paraissent à peine croyables. En 2016, sur 5 712 femmes et filles indigènes portées disparues, seules 116 ont été enregistrées dans le fichier des personnes disparues. 84 % de femmes indigènes ont été victimes de violences physiques, sexuelles ou psychologiques au cours de leur vie. Et ce n’est qu’une partie des faits que l’auteur nous livre.  

L’histoire édifiante de ces femmes, vendues contre 1 000 chevaux, traverse les âges et a des répercutions sur leur descendants. Mais elle permet de poser un éclairage passionnant sur les coutumes et les croyances indiennes et sur ce pan de l’histoire américaine à travers une épopée romanesque foisonnante. 

Je dois tout de même avouer qu’il m’a parfois été un peu difficile de m’y retrouver entre les différents noms des personnages, chacun d’entre eux en ayant plusieurs : leur véritable nom, leur nom indien et la traduction de celui-ci.  

Les Amazones – Jim Fergus (Editions Le Cherche Midi – septembre 2019) 

Pour aller plus loin :

Je conseille de compléter cette lecture avec l’excellent magazine America et notamment par le numéro 9, l’Amérique Indienne, dans lequel Jim Fergus signe un passionnant article intitulé « La réserve en hiver » et dans lequel on retrouve aussi les prestigieuses signatures de Louise Erdrich, Tommy Orange, Jim Harrison… 

10 commentaires sur “Les Amazones de Jim Fergus

  1. C’est un auteur que j’avais beaucoup apprécié avec « Chrysis » sur un tout autre sujet, une femme peintre dans les années folles. Merci pour ton article très intéressant et ce rappel sur la condition de ces femmes…

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