Le Chat, le Général et la Corneille de Nino Haratischwili

Sesili, surnommée le Chat, est une jeune comédienne en mal de rôle, née en Géorgie et vivant à Berlin. De son côté, Alexander Orlov richissime oligarque russe, dit Le Général, est hanté par un terrible secret et par la mort de sa fille adorée. Quant à la Corneille, il s’agit d’Onno Brender, journaliste allemand qui s’intéresse aux guerres de l’Europe de l’Est et tout particulièrement aux scandales liés aux actions des hauts gradés de l’armée russe pendant la guerre en Tchétchénie. Ce qui va réunir ces trois personnages totalement dissemblables est un évènement monstrueux, survenu en 1995 alors que l’armée russe occupe le Caucase, en guerre contre les séparatistes tchétchènes. Un drame qui a coûté la vie à une jeune femme et qui a laissé de nombreuses traces vingt et un ans après. De 1994 à 2016, entre la Tchétchénie, Berlin, le Maroc ou encore Venise, Nino Haratischwili entraîne son lecteur sur les traces d’un passé que certains aimeraient enterrer.

“Peut-être le monde était-il parfaitement cohérent comme il était. Peut-être était-ce le lot de l’être humain de ne jamais s’en sortir sans être puni, que l’on soit coupable ou non. Peut-être était-ce inévitable qu’à la fin, on reste enchaîné quelque part, avec un aigle en train de vous dévorer le foie, à ceci près que le nôtre ne repoussait pas et était donc perdu à jamais.”

Voilà un titre bien surprenant, qui pourrait laisser imaginer au lecteur qu’il va découvrir une fable ou un conte. Mais cette histoire n’a rien d’un conte, ou alors un conte cruel, une chronique amère d’un monde en perdition et de trois personnages hantés par leur histoire.

C’est un roman puissant, habité par de très beaux personnages féminins. Car en plus de Sesili, on y croise aussi Ada et Nura, deux fantômes qui traversent ce récit avec toute leur force et leurs failles, toute leur combativité et qui sont au cœur de la vie du Général et de son besoin de vengeance ou de rédemption.

Et puis il y a évidemment tout l’aspect historique, social et politique de ce roman qui nous emmène en Europe de l’Est, comme un travail de mémoire pour ne pas oublier ce pan d’histoire contemporaine.

Un roman qui, s’il peut dérouter au début par sa construction alternant les époques et les points de vue des trois principaux personnages, saura très vite captiver le lecteur jusqu’au dénouement.

Le Chat, le Général et la Corneille – Nino Haratischwili / Traduction de Rose Labourie (Editions Belfond – août 2021)

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