Forte tête de Edith Ayrton Zangwill

Ursula Winfield est une jeune femme brillante et plutôt libre. Dans le Londres de 1909, elle se consacre à des expériences dans son laboratoire, avec pour but d’intégrer la Société de Chimie. Mais dans cette Angleterre du début du XXème siècle, les jeunes femmes de la bonne société n’ont pas d’autres missions que de s’amuser, de courir les salons de thé et les garden party pour finir par se marier.

Mais Ursula n’entre pas du tout dans ce cadre. Si elle tombe amoureuse, elle ne souhaite renoncer ni à sa liberté ni à sa récente entrée dans le monde des suffragettes dont elle devient très vite un membre actif et reconnu.

Ce roman est encore un petit bijou que Belfond Vintage nous donne enfin le plaisir de découvrir. Paru en 1924, le roman d’Edith Ayrton Zangwill était en effet encore inédit en France.

Le personnage d’Ursula est irrésistible et la romancière nous fait très bien comprendre le cheminement de la pensée de la jeune femme.

« Mon monde se divise en animaux, végétaux et minéraux ; non en hommes et en femmes. La différence entre les sexes m’apparaît microscopique au regard de notre univers complexe et merveilleux. Je ne pense jamais au sujet, sauf de façon soudaine, lorsque je suis assez contente du résultat d’une de mes expériences et que je me heurte à une absurde barrière de sexe – comme si mon travail se résumait à des fanfreluches ! »

Car au début du roman elle est résolument contre le mouvement des suffragettes et condamne leurs méthodes. Puis une série d’événements l’amènent à reconsidérer ses positions puis à épouser cette cause jusqu’à subir des emprisonnements, à mener des grèves de la faim, à mettre en péril son histoire d’amour.

Il est tout à fait passionnant de suivre l’évolution de cette jeune fille dont l’intelligence, l’intuition et l’empathie lui permettent chaque fois de modifier ses vues en fonction de nouveaux faits dont elle a connaissance. Sans doute une déformation de son esprit d’analyse qu’elle a développé grâce à ses expériences chimiques. Ainsi de son rapport avec les hommes et notamment de son amitié avec le professeur Vernon Smee, de vingt ans son aîné qui entretient un amour désespéré pour Ursula ou de son amour pour Tony Balestier pour lequel elle n’est pas prête à renoncer à ses combats.

Un autre personnage très attachant et diamétralement opposé à celui d’Ursula est celui de Mme Hibbert, la mère d’Ursula. Un personnage qui parait de prime abord très léger, occupé de sorties mondaines et de virées shopping et qui se révèle bien plus profond qu’on ne pouvait le penser.

Le tout est écrit dans un style extrêmement moderne, vif et non dénué d’humour.

A lire impérativement, la préface d’Elizabeth Day (journaliste et romancière) qui éclaire le récit grâce notamment à des éléments biographiques d’Edith Ayrton Zangwill qui donnent un certain nombre de clés sur les sources d’inspiration de l’auteure.

Forte tête – Edith Ayrton Zangwill (Editions Belfond – mars 2020)

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